Notre responsabilité face à l’urgence : Nous dépasser, nous refonder, nous refonder et rassembler

Le 26 mai dernier, le relatif succès des partis écologistes en France et dans d’autres pays a montré une progression verte à l’échelle européenne, témoignant de l’urgence à produire des réponses politiques nouvelles.

Ces réponses, il nous revient de les porter. Pour les plus jeunes en particulier, l’enjeu est devenu existentiel : dans quel monde pourrons-nous vivre demain si nous persistons dans l’aveuglement ? Cette question reconfigure le champ politique.

1. Face aux crises et aux risques d’effondrement : retouchons terre !

Chacun.e appréhende l’inanité de la promesse d’une croissance infinie dans un monde fini. Le capitalisme productiviste, dopé aux énergies fossiles et au nucléaire, détruit les écosystèmes, dépossédant des millions d’êtres humains de leurs terres, de leurs ressources et de leur dignité.

ll reste peu de temps pour limiter les effets de la catastrophe et adapter des territoires à cette nouvelle donne. Le 6e effondrement des espèces est en cours avec l’artificialisation des territoires. Il s’accélère avec le changement climatique. Tout semble se dérégler à une échelle systémique et planétaire, sans que les responsables politiques et économiques ne prennent la mesure et la gravité de la situation. Les limites planétaires sont dépassées, mais les élites s’entêtent dans des choix technologiques mortifères. L’agriculture industrielle et les marchés mondiaux détruisent l’environnement et provoquent famines et pauvreté au sud et malbouffe au nord. Le “déménagement” du territoire et le digital dévorent espace, ressources et temps. Le  mythe du transhumanisme menace le sens du vivant.

La seule option capable d’amortir les effets des effondrements est de changer radicalement de modèles techniques, économiques, sociaux et politiques ; de nous métamorphoser en associant enfin les voix de toutes et tous.

Les populations les plus pauvres sont, en France et dans le monde, les premières victimes de la crise environnementale. Le mouvement des gilets jaunes n’est pas un refus de l’écologie, mais un refus de l’injustice qui consiste à tout faire peser sur les un.e.s tandis que les autres s’exonèrent de la solidarité la plus élémentaire. Les angoisses de la fin du mois et de la fin du monde ne doivent pas s’opposer. Notre projet doit impérativement comprendre les mesures de justice sociale qui s’attaquent aux inégalités.

Pour y parvenir, il faut sortir de la logique qui voit dans la nature une propriété à exploiter et dans les pauvres une classe à dominer. Notre écologie est une écologie d’émancipation et de réconciliation, un projet de société à part entière. Pour retrouver le pouvoir de vivre, il ne s’agit pas d’aménager à la marge l’ordre actuel des choses mais de conduire une transition résolue vers une autre société.

2. Assumer la radicalité du projet écologiste

L’affirmation de la singularité de l’écologie politique a fait le succès de la campagne européenne. Face à l’urgence et l’ampleur des changements à opérer, le réalisme ne réside plus dans une politique des petits pas. Notre radicalité assumée combine la prise en compte de la finitude de la planète et de la vulnérabilité de la vie sur Terre avec les exigences de justice sociale, de solidarité, de réduction des inégalités, consubstantielles à l’écologie politique. L’écologie veut construire une société sobre, solidaire, juste, libérée du consumérisme et de l’obsession du tout tout-de-suite, de l’individualisme et de la ghettoïsation, de l’accaparement et de la privatisation.  Les solidarités et les solutions qui s’inventent sur les territoires sont pour nous source d’inspiration. Plutôt que de les détricoter, l’écologie choisit de renforcer les solidarités comme rempart à la barbarie.

Notre doctrine et notre programme doivent être enrichis. Aucune question régalienne ne doit nous échapper. Nous avons à dire ce qu’est une République écologiste.

Droit à l’existence. Refusons ce monde de domination : domination de genre et de classe, domination de pays, exploitation de la nature et de ses ressources, séparation entre les humains et les autres êtres vivants. C’est en reconnaissant existence, valeur et voix, à chaque être vivant, humain comme non-humain, que nous poserons les bases d’une société véritablement juste. La fin du chacun pour soi, du repli communautariste, des dominations systémiques, sont les conditions de notre sauvegarde. Nous devons faire reculer la violence qui blesse notre humanité et nous divise, quelle que soit sa forme : économique, sociale, raciste, sexiste,… L’écologie est par essence féministe, anti-raciste, et protectrice des droits des minorités. L’écologie veut construire une société sobre et juste, libérée du consumérisme et de l’obsession du tout tout-de-suite.

Solidarité planétaire, notamment à l’égard des populations les plus pauvres de la planète, les plus vulnérables, le plus souvent des femmes, le plus souvent des paysan.n.es. Elle est seule susceptible de réduire les conflits et les risques de guerre qui s’accumulent. Notre altermondialisme se fonde sur le principe de responsabilité, la régulation économique et financière, la lutte contre les impérialismes, la protection et la réparation environnementales, la justice climatique, la reconnaissance de la dette écologique. Elle accueille dignement les réfugié.e.s plutôt que de laisser les drames s’installer. Elle reconnaît les écocides, et la lutte contre l’exploitation illicite comme l’accaparement encore licite des ressources naturelles.

Egalité des territoires : les politiques sont orientées vers la compétitivité économique et la mise en concurrence. Des territoires entiers sont abandonnés, tandis que les métropoles concentrent tous les capitaux et imposent l’uniformisation des modes de vie et un mal-être général. Dans cette France périphérique, les citoyens sont relégués : abandon des services publics, écoles et hôpitaux en sursis, centre-bourgs qui se dépeuplent… Les territoires ultra-marins sont victimes de cette inégalité de traitement : mainmise sur les territoires autochtones, destruction de l’environnement, pollutions chimiques, accès médiocre à l’eau potable et aux soins, pauvreté, chômage. Il est plus que temps de reconnaître la spécificité et la richesse de ces territoires et de leurs habitant.e.s. et leurs droits à choisir, à se protéger.

Rénovation démocratique : Des gilets jaunes, aux mouvements des jeunesses pour le climat, en passant par les revendications syndicales, la demande est la même : une réappropriation du débat et du destin collectif par une démocratie réelle, permanente et participative. A toutes les échelles, exigeons la démocratisation des instances, la consultation loyale des populations, le RIC, le respect des contre-pouvoirs syndicaux et associatifs.

3. Une stratégie sans ambiguïté : dépassement et rassemblement

Aujourd’hui, l’écologie apparaît comme la matrice autour de laquelle reconstruire l’idée de progrès humain, et les Verts comme le pôle de cette reconstruction. Nous devons assumer notre responsabilité de moteur d’une nouvelle dynamique, sans céder à l’hégémonisme.

Notre stratégie doit s’enraciner dans les territoires et dans le respect des dynamiques collectives. Associations, syndicats, ONG, collectifs citoyens, entreprises de l’ESS, paysan.ne.s défendent sur le terrain nos biens communs. Grâce à eux, la société se transforme localement.

Nous proposons de renforcer notre mouvement et d’organiser notre dépassement en agissant de façon simultanée sur plusieurs leviers :

3.1 Rassembler l’écologie politique dans une maison commune, avec toutes les formations politiques qui ont mis l’écologie au coeur de leur projet. La forme politique institutionnelle qui permettra ces rapprochements, reste à inventer, de regroupements ponctuels sur projet, en partant des réalités locales et/ou régionales, à l’émergence d’une nouvelle formation politique que nous appelons de nos vœux, si possible fin 2020 et au plus tard à l’été 2021. Ce processus, débattu et validé par le conseil fédéral et l’ensemble de nos adhérent-e-s, co-construit avec nos partenaires, aboutira à un congrès de refondation qui actera la création d’un nouveau mouvement dépassant EELV.

3.2 Renforcer la coopération avec l’ensemble des acteurs et actrices de l’écologie. Une véritable transition écologique et sociale ne se fera pas contre la société ou à partir des seules institutions. Il est fondamental d’agir avec l’ensemble des acteurs du mouvement social qui, hors des postures partisanes, défendent les valeurs de l’écologie et de la justice sociale. Pour cela, prolongeant les Assises de l’écologie politique et des solidarités, nous soutiendrons la construction d’un archipel de l’écologie,  pour rassembler dans un réseau collaboratif l’ensemble des organisations et mouvements qui agissent pour la justice sociale et environnementale et la post croissance. La coopérative EELV devra y trouver pleinement sa place.

3.3 Construire des alliances majoritaires : Élections municipales et sénatoriales en 2020, départementales et régionales en 2021, nationales en 2022 : il est impératif de penser l’ensemble de la séquence et d’articuler notre processus d’élargissement avec les échéances électorales. Le premier temps, jusqu’aux municipales, doit être celui de l’affirmation de nos responsabilités d’écologistes, du rassemblement des écologistes, du dialogue avec la gauche qui s’écologise et rejette le productivisme. Au delà, nous devons construire une large coalition, écologiste et humaniste, capable d’offrir une alternative.

Hier, nous avons participé à des majorités conduites par des forces de gauche. Il faut désormais que nous conduisions le changement . Nos valeurs communes, issues des combats portés par le mouvement ouvrier, l’éducation populaire, les luttes anticoloniales ou le mouvement féministe rendent possibles un rassemblement visant à transformer la société.

4. RENFORCER NOTRE MOUVEMENT ET FAIRE VIVRE LA DÉMOCRATIE

4.1 Renforcer notre crédibilité

–  lancer avec les commissions thématiques un cycle de conventions nationales, associant intellectuel.le.s, ONG et partenaires pour nourrir notre réflexion et structurer notre projet.

– restructurer les commissions thématiques pour que leur participation à la construction de notre pensée politique soit effective. Le Secrétariat National apportera le soutien logistique et financier à la valorisation de leurs travaux.

.- expérimenter un « contre-gouvernement » mobilisant nos expertises pour nous mettre en situation d’exercer le pouvoir.

– repositionner et revitaliser la Fondation de l’écologie politique.

4.2 Être un parti accueillant

Pour devenir majoritaires, nous devons refléter la société française dans toutes ses diversités. Nous devons garantir un cadre de militance serein, protecteur et respectueux à toutes celles et ceux qui veulent militer.

D’un petit parti réunissant dans les meilleures années une dizaine de milliers d’adhérents, nous devons passer à une grande force mobilisatrice pour que toutes celles et tous ceux qui aujourd’hui veulent influer sur l’avenir, puissent apporter leurs forces et leurs compétences à l’écologie politique.

Bien au-delà de la parité, il faut nous interroger sur les fondements profonds de l’inégalité      femmes-hommes, système si ancré qu’il irrigue l’ensemble de la société. L’engagement pour un parti non sexiste doit devenir une véritable priorité, dans tous les espaces militants. Le dispositif harcèlement doit être enfin mis pleinement en œuvre et des moyens doivent y être dédiés. De la même façon, l’anti-racisme devra dépasser le stade des valeurs pour inspirer nos pratiques.

Notre parti doit former tou.te.s ses militant.e.s en permanence :

– compléter la charte d’accueil du nouvel adhérent

– mettre en place des  outils spécifiques permettant des formations décentralisées à partir d’une base documentaire nationale commune et des méthodes basées sur des principes de l’éducation populaire, au plus près des adhérent-es. Un centre-ressource virtuel, mais aussi réel, sera créé. Les commissions thématiques seront associées à ce travail de formation.

–  faire évoluer le site,  valorisant l’histoire et la spécificité du mouvement,  rendant visible notre projet Bien Vivre, donnant accès à des formations et actions militantes en ligne

– créer un journal numérique de l’écologie politique

4.3  Faire vivre la démocratie permanente dans notre mouvement

Le processus engagé de réorganisation du fonctionnement du mouvement EELV doit aboutir si possible fin 2020 et au plus tard à l’été 2021. L’objectif de cette réorganisation doit être d’améliorer notre démocratie interne avec l’adoption de règles claires, accessibles à toutes et tous, une meilleure articulation des différentes composantes du mouvement et de ses instances.

L’affirmation de nos principes de démocratie interne doit dès à présent être renforcée par de meilleures pratiques.

  • Le respect des différentes sensibilités et leur représentation proportionnelle dans les instances
  • L’égal accès à l’information au sein des différentes instances
  • Le respect des fonctions respectives de nos instances : fonctions délibératives du Conseil fédéral, fonctions exécutives du Bureau exécutif et fonctions de régulation du Conseil Statutaire et des autres instances nationales.
  • Nous devons renforcer la participation de toutes et tous aux décisions stratégiques, par des débats au plus proche des adhérent.e.s, par des processus de décision recherchant le consentement ou le consensus. A cet égard, chaque décision stratégique sera précédée d’une information préalable et d’un débat décentralisé à l’échelle régionale ou locale et validée par l’ensemble des adhérent-e-s.

Notre expérience des processus de décision participatifs doit nous servir à construire une animation inclusive. Nous pouvons tester de nouveaux modes d’animation et de décision dans le respect de nos règles actuelles.

Nous appliquerons la charte de fonctionnement du Bureau exécutif et du Conseil fédéral, voté le 1er décembre.

source : https://eelv.fr/motion-de-synthese/

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