Le projet de loi renonce à la mobilisation des territoires

Par Daniel Breuiller, maire d’Arcueil, conseiller général du Val-de-Marne (EELV).

Alors que les débats initiés dans Paris Métropole n’ont pu aboutir, que ceux au Sénat ont montré la très grande difficulté de proposer un texte consensuel face au syndicat des contres, et suite aux arbitrages internes au PS, on en arrive à un texte qui est un contresens ! Le texte gouvernemental repose sur une vision technocratique du développement métropolitain impulsé d’en haut et centré sur les grands projets, comme une sorte de retour à la vision technocratique de Christian Blanc.

En proposant la suppression des intercommunalités existantes et en renonçant à imposer le bouclage d’intercommunalités de projet assorties d’un seuil minimal d’habitants (afin de diminuer le risque de constitution de territoires défenseurs des égoïsmes locaux), le projet de loi de Marylise Lebranchu renonce à ce qui devrait constituer le principal atout de la métropole : la mobilisation des territoires eux-mêmes pour leur qualité de vie, leurs équilibres et leurs projets.

Faisant bien peu de cas des intercommunalités « réussies » dont nous pouvons attester dans nos territoires du Val-de-Bièvre, d’Est Ensemble, de Plaine Commune… et surtout de dynamiques déjà à l’oeuvre, parfois depuis de longues années en Île-de-France, et qui génèrent déjà des réponses améliorées aux besoins des habitants (transports métropolitains, plans locaux de l’habitat intercommunal…), le texte gouvernemental entend instituer une métropole qui captera les ressources financières et fiscales des territoires et qui « pourra » déléguer à des conseils de territoire une partie de ses pouvoirs et de ses ressources… Le mot est important ; et il ouvre la voie à bien des marchandages et annonce un retour des accords entre partis plutôt qu’entre territoires. Des marchandages ou partages de territoires faisant fi des formations et élus minoritaires… et bien entendu de la participation des populations.

Pourtant, l’attente des habitants est grande à notre égard. Ils demandent plus de coopération entre territoires, plus d’égalité et plus d’efficacité. Pour ne pas supprimer les départements, on s’attaque donc aux intercommunalités, l’échelon qui offre pourtant le plus de nouvelles possibilités… Mais ce n’est pas tout.

Le conseil régional, garant de l’équilibre entre le centre et les territoires périphériques, est également affaibli. La métropole du Grand Paris, dotée de compétences et de ressources importantes (sans oublier sa taille, 6 à 8 millions d’habitants sur une douzaine de millions), sera un concurrent absolu qui affaiblira l’échelon régional.

Quant aux communes, si elles voient leur place reconnue (ou plutôt la place des seuls maires), elles se verraient amputer des leviers essentiels d’action et pèseraient bien peu (1/200e) dans le dispositif de gouvernance tel qu’il a été pensé.

La métropole recentralisée puis déconcentrée aux conseils de territoires, c’est le mouvement inverse de ce qu’il convient d’insuffler. Nous revendiquons au contraire de soutenir les stratégies des territoires qui prennent eux-mêmes leur avenir en main.

Que dire des échéances évoquées ? Elles sont proprement inatteignables. Qui peut croire qu’après les élections municipales de mars prochain un transfert des compétences des communautés d’agglomération pourra s’effectuer dans de bonnes conditions, huit mois plus tard ? On parle d’emplois et de services souvent essentiels aux populations : voirie, éclairage public, ramassage des ordures ménagères, transports communautaires, développement économique, équipements culturels rayonnants…

Pourtant le statu quo est inacceptable. Nous, écologistes, faisons les propositions suivantes :

  • Des communes consolidées comme espaces démocratiques.
  • Des intercommunalités stratégiques.
  • Une région aux compétences et pouvoirs renforcés.
  • Chacun de ces échelons doit être élu au suffrage universel direct et accompagné d’un conseil de développement et de processus participatifs renforcés.
  • Une métropole chargée de contrôler et d’organiser la complémentarité entre les territoires, leur égalité plutôt que leur concurrence.

Conscients que ces propositions ne recueilleront pas de soutien majoritaire, nous demandons a minima de revenir à des dispositions simples et de bon sens :

  • Le bouclage de la carte des intercommunalités autour du seuil de 300 000 habitants.
  • Des intercommunalités de projets pour des territoires solidaires.
  • Des échelles de responsabilité précisées et articulées. En particulier, des plans locaux de l’habitat et de l’urbanisme intercommunaux, compatibles avec le schéma directeur de la région Île-de-France et un plan régional de l’habitat élaborés en lien avec l’État.
  • Des intercommunalités qui contractualiseraient leurs relations financières avec l’État et la région dans le cadre d’un contrat de développement territorial qu’il conviendrait de systématiser en n’omettant aucun territoire. Cette contractualisation permettra de définir des objectifs de production de logements, de typologies de logement par territoire mais aussi d’équilibre habitat-emploi, l’État pouvant conditionner certaines aides ou les agréments pour la construction de bureaux à la réalisation des objectifs fixés.
  • La mise en place d’un fonds de péréquation doté d’une véritable force distributive et de correction des inégalités territoriales qui traversent et fracturent nos territoires.

C’est à ces conditions qu’une métropole rassemblant les représentants des territoires pourra être créée comme lieu des analyses partagées des projets de territoire, d’avis conforme sur la complémentarité des CDT, de vigilance pour le rétablissement des équilibres territoriaux et la péréquation financière. Notre philosophie est de faire confiance aux élus a priori avec un réel contrôle a posteriori. Cela semble plus de nature à débloquer les coopérations et la production de logements que la recentralisation proposée qui ouvrira de nombreux contentieux, et lèvera de nombreuses résistances dont les nôtres. C’est aussi à cette condition que la réforme sera un nouvel acte de décentralisation et non une recentralisation.

Source : https://choisyleroi.eelv.fr/le-projet-de-loi-renonce-a-la-mobilisation-des-territoires-2/

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