Le numérique à l’école
Conseil municipal du 21 décembre 2017
Ecoutez bien :« L’Assemblée regrette l’absence de réaction face aux risques environnementaux et sanitaires connus ou émergents et les retards quasi-systématiques dans l’adoption et l’application de mesures de prévention efficaces en dépit des appels à l’application du principe de précaution et de toutes les recommandations, déclarations et nombreuses avancées réglementaires et législatives.
Attendre d’avoir des preuves scientifiques et cliniques solides avant d’intervenir pour prévenir des risques bien connus peut entraîner des coûts sanitaires et économiques très élevés, comme dans les cas de l’amiante, de l’essence, du plomb et du tabac. »
Ces propos ne sont pas extraits de la dernière assemblée générale de l’association Robin des Toits ou de Priartem, ils sont inscrits dans la résolution 1815 votée le 27/05/2011 par le Conseil de l’Europe concernant Le danger potentiel des champs électromagnétiques et leur effet sur l’environnement.
Dans un rapport publié en juillet 2016, le comité d’experts de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) préconisait de « redoubler de vigilance », notamment en limitant l’exposition des enfants aux champs électromagnétiques et en reconsidérant les valeurs limites d’exposition réglementaires.
Ce rapport rappelait en effet les spécificités morphologiques et anatomiques des enfants et évoquait par ailleurs « les résultats d’études épidémiologiques mettant en évidence des effets possibles des radiofréquences sur la fonction cognitive et le bien-être des enfants ».
Je finirai, en ce qui concerne les alertes, par l’Appel de Reykjavik lancé en février dernier par des scientifiques du monde entier débutant par « Nous, les signataires, sommes préoccupés par la santé et le développement de nos enfants dans des écoles utilisant la technologie sans-fil pour l’enseignement. » (…)
« Nous demandons aux autorités de prendre leur responsabilité pour la santé et le bien-être futur de nos enfants. » (…)
« Soutenir les technologies éducatives filaires est une solution plus sûre que les expositions potentiellement dangereuses des radiations sans-fil. »
Mais quelle valeur ont aujourd’hui les alertes dans un contexte où celles-ci sont de plus en plus nombreuses ? Ce serait un vaste sujet de réflexion pour un sociologue.
Dans le même temps, en 2013, étaient définies les 34 priorités industrielles de la France au rang desquelles l’E-éducation, le numérique à l’école. Plan piloté par deux médecins, non c’est un lapsus, deux personnes à la tête d’entreprises oeuvrant dans ce domaine c’est leur business).
Donc malgré ce que nous dit la science, l’usage du Wifi dans les établissements scolaires n’est pas proscrit par l’Etat Français, au contraire. Le plan du numérique à l’école mis en place par l’Education Nationale entraîne le déploiement de tablettes dans les écoles primaires. Tablettes précisément recherchées pour leur usage non-filaire. La raison communément invoquée est la volonté de mobilité.
La mobilité : c’est un sujet révélateur des paradoxes de notre société.
Au printemps dernier, la Fédération française de cardiologie alertait sur le manque d’activité physique et la trop forte sédentarité des jeunes enfants et adolescents, incriminant notamment la surconsommation d’écrans, qualifiant celle-ci de conduite addictive…Et de rappeler : « jusqu’à 20 ans, on construit son capital santé et le cerveau ne termine sa maturation qu’à 25 ans. »
Mettre des enfants devant des tablettes en invoquant la mobilité, c’est un peu comme installer des compteurs Linky en invoquant la transition énergétique.
Et ce déploiement, c’est aux communes qu’il incombe. Si nous votons cette délibération ce soir, c’est que, pour pouvoir bénéficier d’une subvention qui nous permettrait de couvrir 50% des frais occasionnés par l’achat de 3 nouvelles classes mobiles, nous n’avons plus que 10 jours pour retourner le dossier.
Soulignons que si cette subvention nous permettra d’économiser 12 000 euros en exposant nos enfants (aux écrans, à la mobilité sédentaire, aux ondes, etc), ne pas acheter ces 3 classes mobiles nous permettra d’économiser également 12 000 euros de surcroît en protégeant nos enfants et en étant cohérents avec notre politique municipale de prise en compte de l’électrohypersensibilité, notamment.
Les enseignants réclament du wifi. En tant que parent et qu’élue, je réclame qu’il n’y ait pas de wifi dans les écoles. J’appelle ainsi toutes les Fontenaysiennes et tous les Fontenaysiens partageant ce point de vue, et je sais qu’il y en a, à ne pas rester silencieux, à dire ce qu’ils en pensent.
Notre société veut du pratique, veut aller vite, veut de la mobilité, veut du numérique. Ce qui est en jeu n’est pas notre société mais celle de nos enfants, celle que nous allons leur léguer.
Quinze mille scientifiques ont récemment lancé un cri d’alarme pour notre planète, appelant à réduire la consommation matérielle de notre société, à « réévaluer le rôle d’une économie fondée sur la croissance ». Déjà en 2015, des membres du CNRS indiquaient que les technologies de l’information et de la communication sont loin d’être écologiques, internet émettant plus de dioxyde de carbone que l’aviation.
Alors, le wifi, est-il vraiment pratique ?
Préjudiciable à l’environnement, nécessitant une technologie sans-fil nocive…seuls les addicts ne sauraient s’en passer. « Pratique » ne semble donc pas être le terme adéquat.
Quant à l’argument selon lequel « de toute façon il faut faire du numérique aujourd’hui », nous n’adhérerons jamais à cette baissée des armes, à cette mise en berne de l’esprit critique, à cette renonciation de notre vigilance.
Avant d’apprendre à se servir d’un outil, apprentissage qui viendra assez tôt, notre département veillant à l’éducation numérique, nous proposons comme nouvelle plateforme de principes partagés que soit appris aux enfants à se regarder, à s’écouter, à respirer ensemble, à communiquer de façon non violente, à se pardonner, à s’accepter, à dialoguer, à échanger, à mettre des mots sur les sentiments et sensations, à vivre ensemble, que soit appris aux enfants à devenir ce que nous sommes : des êtres humains. Ça c’est important et nécessaire.
Aménager, faire du numérique raisonné et raisonnable… : c’est mieux d’agir en conscience et cela peut avoir des vertus pédagogiques. Nous saluons sincèrement le travail des services de la Ville pris dans une double injonction entre ceux qui veulent et ceux qui ne veulent pas, services remarquables par leur recherche du meilleur équilibre et de la meilleure solution. Pour la petite histoire, rappelons cependant que dans les années 80, alors que la toxicité de l’amiante n’était plus contestée, s’est mise en place dans l’industrie une phase d’usage contrôlé. Le temps a dit le vrai. Concernant les questions de santé environnementale, seul le temps avère.
Pour toutes ces raisons, nous aurions spontanément voté contre cette délibération, contre ce petit pas mais pas de plus dans un sens qui n’emporte pas notre adhésion. Par respect toutefois pour la volonté de minimiser l’exposition aux ondes du wifi, par respect pour l’effort fourni afin de concilier les desiderata des uns et les exigences des autres, nous nous en tiendrons à une abstention.
Anne Vienney