Compte rendu du débat « L’école »
Toujours d’actualité : Compte-rendu du débat sur le thème de l’Ecole,
organisé par la Coopérative le 16/11/2012
L’école étant une nouvelle fois d’actualité, avec la réforme Peillon sur les rythmes scolaires, la durée des grandes vacances…revenons sur le débat organisé le 16 novembre dernier autour d’une interrogation générale: qu’est-ce qui va et ne va pas, que faudrait-il changer ?
Le contexte étant marqué au niveau national par les premiers résultats de la concertation organisée par le ministère aboutissant à un changement des rythmes scolaires. Au niveau local, la mobilisation a permis l’annulation de deux fermetures de classe à Dolto et Pasteur mais avec moins de succès à Picasso.
Invités à venir apporter leurs réponses, Xavier Ponce, sociologue à l’université Paris XII Créteil, spécialisé dans les politiques éducatives et Christophe Kerviel, responsable parents d’élèves FCPE Fontenay. Le débat fut rythmé par la diffusion de petites vidéos humoristiques sur l’école (retrouvez-les en cours d’article).
Vidéo introductive « Tête à claque » : https://www.youtube..com/watch?v=NN2eCjnc-YQ
Xavier Ponce a apporté quelques pistes de réflexion en donnant les conclusions de travaux de recherche. Selon l’enquête PISA de l’OCDE qui mesure les compétences des élèves de 15 ans, les élèves français sont moins capables de réinvestir leurs connaissances dans le quotidien.
Par ailleurs, notre système a réussi la massification. La décentralisation a plutôt réussi: les inégalités territoriales ont baissées. Les collectivités ont beaucoup investi dans le domaine de l’éducation.
Nous avons tendance à beaucoup déprimer sur notre système, il est difficile d’avoir un discours serein. On lance plein de projets qu’on n’évalue pas, on multiplie les petites réformes, on a une inflation de dispositifs. L’ensemble tient sans doute grâce à l’engagement des acteurs.
Concernant les points négatifs: les inégalités scolaires persistent. Beaucoup quittent l’école trop tôt. On note une baisse de niveau global depuis les années 90. Enfin, il y a persistance d’une ségrégation sociale et ethnique.
Christophe Kerviel prend alors la parole. Il a été enseignant une quinzaine d’années avant de changer de travail. Pour lui, le thème du débat soulève plein de questions. Le ministère a remis un rapport le 9 octobre. Ce dernier mélange ce qui relève du choix politique et de l’expertise. Il considère qu’on peut trouver un consensus, or c’est faux et c’est bien comme ça.
Il faut parler de la question école privée/école publique. L’enjeu reste d’actualité. Que faire quand un élève décroche ? Ce problème n’est pas celui du privé qui n’a pas à traiter ce genre de cas. Il y a toujours le problème d’un enseignement à deux vitesses. Il faut assumer ces questions pour avancer.
Il y a une fuite vers le privé à partir du CM2. C’est lié au fantasme de la concurrence alimenté par cette division public/privé.
Par ailleurs, est-ce que le fait d’avoir des diplômes est un indicateur ? Si ces diplômes sont donnés plus facilement, ces indicateurs ne sont plus valables. Enfin il faut garder à l’esprit que le malaise de l’école n’est qu’un reflet du malaise de la société, de ses inégalités.
Xavier Ponce nous a ensuite parlé de la concertation nationale dont il a fait partie. Les acteurs ont été soulagés que l’on prenne le temps du dialogue mais il a fallu ensuite qu’on ait vite une loi d’orientation, ce qui donne un privilège à ceux qui ont déjà une opinion constituée. Par le jeu de la logique organisationnelle qui absorbe les points de vue minoritaires, on a accouché d’une souris.
Toutefois en discutant avec les fonctionnaires, ils nous disent que l’on arrive quand même à faire passer des idées. Il n’y a pas de progression linéaire. A force de commissions et de rapports, les idées changent, comme par exemple sur le redoublement. Mais on puise toujours dans le même type de solutions. On fait de la politique partisane.
Vidéo historique « Ysabeau de R » : https://www.youtube.com/watch?v=tiZyMY5PzLQ
La parole est alors laissée à la salle, pour une série d’interventions et de questions qui soulèvent de nouveaux points: qu’en est-il par exemple de l’apprentissage des langues régionales et d’origines ? Celles-ci pourraient jouer en faveur de l’intégration. Selon Xavier Ponce, la résistance à l’introduction de ces langues provient du modèle républicain et du fait qu’il y a déjà beaucoup d’élèves qui ont du mal à maîtriser le français. Toutefois, des études ont montré que maîtriser une langue favorise l’apprentissage d’une autre langue. Il est donc partagé sur ce sujet.
Pour comprendre certaines évolutions, il est nécessaire de se replonger dans l’histoire. A la libération il y a eu une volonté de refonder l’école et de sortir du système dual, entre l’école élitiste et celle du peuple. Beaucoup de projets concurrents ont émergés. A partir des années soixante, on multiplie les rapports d’expertise et on entre dans la réformite. Christophe Kerviel précise qu’il faut arrêter de dire qu’on va changer les choses en six mois. La salle soulève aussi la question de la préparation du gouvernement. Pour d’autres là n’est pas le problème, la gauche s’était dotée d’un projet, c’est pour ça qu’il y a eu des annonces d’augmentation des professeurs, de révision de la formation des enseignants. Après Sarkozy et cinq ans de non-dialogue, la concertation fait du bien.
Comment évaluer le niveau et son évolution ? Pour Christophe Kerviel, certaines évaluations sont restées les mêmes, par exemple sur la lecture et l’orthographe. Sans doute faut-il tenir compte, comme le suggère un participant, du fait que nous sommes à l’âge d’Internet et que de ce fait les conditions d’écoute ne sont plus les mêmes. La salle soulève la question de la massification que certains jugent positives comme les gens sont frottés aux matières plus longtemps. Dans la salle un participant témoigne du modèle allemand, où la culture générale est plus répandue. Peut-être faudrait-il une année de scolarisation en plus.
Christophe Kerviel se demande que veut dire « la réussite pour tous » ? Il y a aussi un problème de débouchés. Comme le dit François Dubet, la question c’est comment traiter les mauvais élèves ? Car il y en a toujours. Un inspecteur d’école présent dans la salle explique que le redoublement ne marche pas. Même si Christophe Kerviel ajoute que le passage automatique ne marche pas plus. Selon l’inspecteur, il est bien de laisser les mauvais élèves dans des classes hétérogènes.
Xavier Ponce revient sur la question du niveau. On peut faire la comparaison entre les épreuves données aux conscrits (tests standardisés) et entre les épreuves de 1987 et de 2007 du bac qui ont été les mêmes. Résultats: il y a de plus en plus de gens qui décrochent. On a un problème politique: il est difficile d’avoir une vision, de faire avancer les choses au vu des problèmes. Il y a beaucoup de syndicats, plein de syndicats et de positions différentes et difficiles à combiner. Les expérimentations on sait faire. Mais les pérenniser, les généraliser c’est une autre affaire. Sur la question public/privé, le privé peut parfois jouer un rôle et donner un meilleur encadrement à des gens qui ont décroché du public. Pour la petite enfance, les enfants de moins de 3 ans ont besoin d’un environnement riche. L’école peut-elle l’offrir ?
Arriva le temps de conclure. La scolarisation des enfants handicapés, les conséquences de la remise en question générale des institutions furent des questions évoquées mais non développées. Le nombre de problématiques soulevées avait été plus important que le nombre de réponses. Sans doute est-ce le mérite de telles réunions qui permettent de stimuler la réflexion sur des sujets qui resteront néanmoins inépuisables.
Vidéo clin œil « Les Inconnus » : https://www.youtube.com/watch?v=rsd92DHrUM4
Compte rendu rédigé par Mathieu ALBOUY
A ne pas manquer : prochain débat le vendredi 29 mars 20h30 à la salle GAVEAU :
« Les transports collectifs en Île-de-France », avec Pierre Serne, élu EELV au Conseil Régional Ile de France en charge des transports, et l’association « Métro aux Rigollots »
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