David Cormand, Secrétaire national d’Europe Écologie Les Verts, a rappelé l’urgence d’agir contre le changement climatique et de se libérer du mythe de la croissance. Il appelle les écologistes à se mobiliser sur les sujets d’actualité : nucléaire, mobilité, ordonnances travail, agriculture et alimentation, et à se réinventer.
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Europe Écologie Les Verts
Conseil fédéral des 9 et 10 septembre 2017
Discours de David Cormand, Secrétaire national
L’écologie en première ligne
Chères amies, Chers amis,
Au moment où nous nous réunissons, nous avons une pensée solidaire pour nos ami-es antillaises et antillais qui ont été victimes de l’ouragan Irma, et qui se préparent à en affronter d’autres dans les jours qui viennent.
Nous pensons également à toutes celles et tous ceux qui sur notre planète sont victimes de l’effondrement climatique auquel nous assistons. Des moussons diluviennes au Bangladesh qui ont fait des centaines de morts, à l’Ouragan Harvey aux États-Unis en passant par des zones qui deviennent inhabitables du fait du réchauffement climatique, nous assistons sidérés aux résultats de l’acharnement avec lequel l’humanité rend notre planète inhospitalière.
Dans les témoignages qui nous sont parvenu des Antilles, une expression revient souvent « Nous avons vécu l’enfer sur terre ». La folie à laquelle nous assistons se résume à cette phrase.
Alors qu’il a fallut des millions d’années de hasards incroyables pour que la vie naisse sur notre petite planète perdue au milieu de l’Univers ; alors qu’il aura fallut ensuite d’autres millions d’années pour que la vie évolue et permette, en dépit de toutes les lois de la probabilité, à l’humanité de grandir grâce à l’environnement incroyablement propice qu’offrait Pachamama ; cette même humanité, en quelques générations, est en train de détruire les équilibres fragiles de la biosphère et ainsi condamner toute possibilité de continuer de vivre heureux sur Terre.
Il n’y a pas de sujet plus essentiel. Il n’y a pas d’urgence plus urgente. L’effondrement, c’est maintenant. Et il faut donc assumer de s’attaquer vraiment aux racines de ce mal qui nous menace.
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Le modèle dit de « développement » à l’oeuvre est la cause de ces désastres.
Hélas il aura fallut du temps, trop de temps, pour que la réalité du changement climatique soit reconnue par les pouvoirs politiques. Il aura encore fallut trop de temps pour admettre que ce changement climatique est directement lié à l’activité humaine telle qu’elle s’exerce aujourd’hui. Nous n’avons donc plus le temps maintenant de tergiverser pour agir.
Le temps des concours d’éloquence autour de la maison qui brûle est terminé. Ce n’est plus à la hauteur de l’urgence. Si le diagnostique que les écologistes portent depuis des décennies se vérifie, il est temps que les solutions que nous proposons soient mises en œuvre. Il n’est plus possible de se payer de mots, car bientôt il sera trop tard et le changement climatique à l’oeuvre et ses conséquences ne pourront plus être enrayés.
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Les obstacles devant nous pour agir sont difficiles à abattre car ils relèvent de la croyance et sont servis par de puissants lobbies. Parmi ces croyances : la croissance. La mythification de la croissance comme remède à nos problèmes est puissante. À gauche, à droite, au centre, dans les pays du Nord, dans ceux du Sud, toutes et tous entendent servir ce même dieu.
Et pourtant, derrière ce prétendu remède se cache l’une des causes de tous nos maux. La croissance est assise sur la consommation d’énergie. Elle est dopée depuis plus d’un siècle par l’usage des réserves de carbones contenues dans le sol pendant des millions d’années et qui se trouvent aujourd’hui dans l’atmosphère. Aujourd’hui, il faut toujours plus d’énergie et moins de travail pour, au final, moins de croissance. On dit parfois que nos sociétés prétendument civilisées ont renoncé aux sacrifices humains pour satisfaire leurs dieux.
Pourtant, nous sacrifions aujourd’hui la Terre et les espèces qui y vivent – plantes, animaux, humains – pour satisfaire cette idole.
Les lois de économie, qui ne sont votées par personne, prétendent que sans croissance, rien n’est possible. Alors que ce qui est impossible, c’est prétendre servir une croissance infinie dans un monde fini.
On taxe souvent les écologistes d’idéalistes ou d’utopistes. Mais les doux rêveurs sont ceux qui pensent que le monde peut continuer à être tel qu’il est, quand tout nous indique que nous sommes en train de basculer du bord du précipice. Les rêves de croissance transforment le monde en cauchemar.
Je pense au contraire que les écologistes sont en réalité de simples pragmatiques, et c’est là d’ailleurs que réside notre radicalité. Pour continuer à pouvoir vivre sur Terre, il faut prendre des décisions très pragmatiques et donc radicales, au sens étymologique du terme, la racine : laisser les hydrocarbure et le charbon dans le sol, puisque l’usage que nous en faisons détruit le climat et la biodiversité. En finir avec la croissance qui entend utiliser sans fin des ressources qui ne sont pas infinies. Partager le travail disponible puisque de plus en plus de tâches sont accomplies sans intervention humaine. Respecter le vivant puisque nous en sommes une partie. Nous commençons juste à découvrir que nous avons de nombreux points communs avec les animaux non-humains. Nous découvrons même que les arbres communiquent et s’organisent entre eux. Nous en sommes aux balbutiements de ces découvertes. Et nous risquons de tout détruire avant de commencer à connaitre vraiment cette incroyable histoire du vivant.
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C’est en cohérence avec ces réalités, avec ce que nous portons depuis longtemps que nous entendons porter le débat et des propositions dans les semaines et les mois qui viennent.
Vous aurez à débattre ce week-end sur les initiatives que nous prendrons sur plusieurs sujets majeurs :
– sur l’alimentation et l’agriculture. Des États généraux ont été organisés, hélas pilotés exclusivement par le ministre de l’agriculture. C’est une occasion de rappeler que l’agriculture meurt aujourd’hui du modèle qui lui a été imposé : accro au pétrole et à la chimie ; dépendante des géant de l’agro-alimentaire et de la distribution de masse.
Ces géants rêvent d’une agriculture sans paysans et sans sols. Leur modèle est en réalité une agriculture industrielle, sans vie. Nous défendons l’inverse : des paysans plus nombreuses et nombreux qui vivent de leurs productions sans en être les esclaves, des circuits courts qui rapprochent les consommateurs et leur assiette de celles et ceux qui font pousser ce qu’ils consomment.
Des paysans qui font vivre nos campagnes, qui font revenir dans nos villages l’activité qui y manque trop souvent. Dans paysan, il y a paysage. Nous sommes convaincus qu’un nouveau modèle qui construit et valorise une nouvelle relation des paysans et des agriculteurs à l’environnement au sens large est porteur de bonheur pour toutes et tous.
– sur les déplacements, avec les Assises de la mobilité qui vont se tenir à partir du 19 septembre.
Il faut saluer les déclaration des Ministres Hulot et Borne sur ce sujet. Si ce qui est annoncé est suivi d’effets, nous avons l’opportunité de sortir du culte de l’érections d’infrastructures pharaoniques : aéroports, lignes à grande vitesse, autoroutes, Lyon-Turin, canal Seine-Nord, et cætera et cætera… Ce que nous appelons les grand projet inutiles et imposés. Ils coûtent des milliards, fracturent nos paysages et les continuités biologiques, sont le plus souvent inutiles. Pire, ils sont réalisés au détriment des infrastructures dites de « transport du quotidien ».
La question de la mobilité est un enjeu majeur dans la lutte contre le changement climatique, elle est aussi déterminante pour le pouvoir d’achat – ou de vivre – de nos concitoyennes et concitoyens. C’est de cela dont on parle quand nous défendons les pistes cyclables, ou les trains Intercités et les trains de nuit.
– Sur le nucléaire, c’est l’heure des comptes. Là encore, les écologistes depuis des décennies alertent sur l’impasse et le danger que représente le nucléaire civile et militaire. Là encore, la croyance irrationnelle et prométhéenne dans la magie du nucléaire, servie par de puissants lobbies, aura occulté la réalité : le nucléaire est cher et dangereux. Et il produit de surcroît des déchets d’une durée de vie de plus de cent mille ans dont nous ne savons que faire. Lenucléaire est typiquement un faux ami du progrès. Il se donne l’apparence de la modernité alors même qu’il relève d’une technologie obsolète, couteuse et dangereuse. Comme Madoff, les promoteurs du nucléaire font de la cavalerie avec notre sécurité et avec notre argent puisqu’après la faillite d’Areva, ce sera bientôt le navire amiral EDF qui sera en danger.
La mise en route de l’EPR de Flamanville va être de nouveau reportée à après 2018 quand son lancement initial était prévu pour 2012. Son coût sera de plus de 11 milliards d’euros quand il était prévu à l’origine à moins de 3 milliards d’euros. Malgré ce report probable, l’enquête publique pour autoriser l’allumage de cette bombe à retardement est maintenue. On nage en plein délire. Dans aucun autre domaine relevant d’enjeux aussi majeurs en matière de sécurité et de finance, on tolérerait autant d’amateurisme.
Je veux dire aussi un mot de Cigéo, cette poubelle nucléaire irréversible à 25 milliards d’euros que l’ANDRA souhaite construire à Bure. Le 15 août dernier, un rassemblement d’opposition à ce projet à eu lieu. La répression violente et disproportionnée dont se sont rendues coupables les forces de l’ordre en utilisant des armes létales est scandaleuse. Je veux dire au pouvoir que nous ne tolèrerons pas que les militant-es écologistes soient pourchassés, visés par des grenades, blessés et parfois tués. Nous ne tolèrerons pas que nos pratiques militantes fassent l’objet d’un harcèlement violent de la part des autorités. Les écologistes ne sont pas des cibles.
Enfin, sur le nucléaire militaire, on voit avec l’actuelle escalade entre la Corée du Nord et les États-Unis que la menace est toujours présente. Chaque bombe atomique dans le monde est une épée de Damoclès suspendue sur l’humanité. Un monde sans arme nucléaire est non seulement souhaitable, c’est possible, et c’est ce que nous demandons.
– le Président de la République a prévu d’organiser un sommet international sur le climat et plus précisément sur la question du financement de la transition à Paris à l’automne. Ce sera l’heure de vérité pour la solidarité entre pays du Nord et pays du Sud, et l’occasion pour Emmanuel Macron de mettre fin à son double-discours sur la Taxe sur les transactions financières, qu’il propose dans les médias, mais refuse de mettre en œuvre quand nos partenaires européens nous le proposent. Nous nous mobiliserons à cette occasion auprès de la société civile écologiste pour que la parole des citoyennes et des citoyens soit entendue. Contrairement à la COP21 où l’intervention de la société civile avait été entravée par des assignations à résidences et des interdictions de manifestations, nous contribuerons à l’expression libre du plus grand nombre pour que le temps des belles paroles prenne fin et que nous passions aux actes.
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Les actes, parlons-en. Car depuis 3 mois qu’il est aux affaires, le nouveau gouvernement a agit. Ce qui m’interpelle le plus dans ces 100 premiers jours, c’est l’idéologie qui inspire les décisions qui ont été prises.
Sur la nouvelle « loi travail », bien entendu. Mais aussi avec la baisse des APL, avec la suppression des contrats aidées, avec les difficultés de la rentrée universitaire, avec le traitement inhumain réservé aux personnes réfugiées qui cherchent dans notre pays un peu de répits dans les terribles épreuves qu’ils traversent, avec la réforme de l’impôt sur la fortune et la réforme fiscale en générale et avec la suppression des emplois aidés.
Emmanuel Macron s’était définit comme un objet politique nouveau, non identifié, ne correspondant à aucune case. En réalité, au risque de lui déplaire, il est très très facile à ranger. La politique qu’il mène est identifiable. Il est en réalité très ordinaire. C’est la version aboutie du président « normal »… du dirigeant « normal ».
Il fait ce que font tous les dirigeants des pays occidentaux depuis 30 ans, qu’ils soient de gauche ou de droite : ils libéralisent, ouvrent à la concurrence, financiarisent l’économie, suppriment ce qui protège les plus fragiles. Dans son esprit, la vulnérabilité des plus faibles est le prix à payer, le sacrifice à assumer, sur l’autel de la modernisation de notre société.
Dans son esprit, refuser cette fatalité, c’est être « fainéant ». Pour Laurent Wauquiez, on s’en rappelle, c’est être des « assistés ». Les mêmes mots méprisants, la même idéologie, et au final, la même politique, contre celles et ceux qui, selon les critères du Président de la République, « ne sont rien ».
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Emmanuel Macron a parlé à Athènes lors de l’une des mises en scène de lui-même qu’il affectionne. Plutôt Narcisse que Jupiter, il a revendiqué la nécessité d’une réelle souveraineté européenne. Mais la souveraineté de qui ? Et pour quelle Europe ?
La souveraineté en acte, pour Emmanuel Macron, c’est celle des accords transnationaux dictés par les lobbys au nom de la dérégulation comme le CETA. C’est la souveraineté des intérêts des multinationales qui négocient les impôts qu’ils doivent payer en France, comme Google en ce moment. C’est la souveraineté des paradis fiscaux que l’on renonce à combattre à l’intérieur même des frontière de l’Union. C’est la souveraineté de la finance, lorsque la France renonce à mettre en œuvre la taxe sur les transactions financières. Cette souveraineté des puissants n’est pas la nôtre. Et cette Europe là n’est pas celle que nous voulons.
La souveraineté que nous souhaitons, c’est celle des peuples européens, libres de déterminer les valeurs et les politiques qui doivent être menées en Europe. Nous voulons un nouveau rêve européen qui nous réconcilie avec l’idéal trans-national et fédéral qui est le nôtre.
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Dans le grand chambardement politique qui marque une fin de cycle, pour l’écologie, tout commence. Nous sortons du temps de l’alerte pour entrer résolument dans le temps de l’action. Les idées que nous portons doivent s’épanouir dans la société pour offrir un imaginaire politique nouveau. Nous ne nous résignons pas à l’accompagnement du monde tel qui va et se rapproche du chaos.
Nous ne pensons pas d’avantage que la réponse aux enjeux de la période réside dans le populisme qui constitue un exutoire qui soulage sur le moment mais n’offre pas de perspective solide et durable.
C’est pourquoi notre mouvement politique doit se réinventer pour être disponible, aidant et utile dans ce moment de recomposition. C’est aussi la tâche qui est la nôtre et que nous devons construire en lien avec toutes celles et tout ceux pour qui l’avenir de la planète constitue l’enjeu majeur pour l’humanité. Plus que jamais, les écologistes seront aux rendez-vous des responsabilités et des idéaux qui nous animent.
Les questions auxquelles nous avons à répondre sont simples: Que voulons nous faire ensemble ? Pour quelles objectifs ? Quels moyens nous nous donnons pour y parvenir ?
Beaucoup de militantes et écologistes répondent au quotidien à ces questions et agissent. Notre ambition est d’être à la hauteur de leurs engagements.
Au travail.
Je vous remercie.