Projet de Théâtre à Fontenay-sous Bois

Il y a 28 ans très exactement, en 1989, j’étais dans cette salle J.Brel, non pas comme élu à la culture, mais comme comédien.

Je jouais avec Pierre Santini un spectacle sur la révolution française. Je n’étais pas Fontenaysien et ne pensais pas l’être un jour. Encore moins devenir l’un des élus de notre ville. A l’issue de la représentation, Bernard Pieterarens le directeur du service culturel de l’époque nous proposa de signer une pétition demandant la construction d’un véritable théâtre à Fontenay.

Parce que nous venions de jouer dans cette salle et que nous nous étions rendus compte de toutes les difficultés qu’elle posait pour le spectacle vivant, tous les comédiens, nous étions une vingtaine ont signé sans hésiter.

28 ans ont passés, 28 ans d’un combat sans relâche menés par les responsables culturels successifs. Bernard Pieterarens, je l’ai dit, puis à sa suite Evelyne Biribin, aujourd’hui Bertrand Turquety.

Et puis au-delà de ces responsables du service public, des artistes, des citoyens regroupés d’abord dans un collectif qui s’appelait « Un théâtre pour la ville ». Et je salue ici Jean-Pierre Hutinet qui en a été l’initiateur.

Avec ce collectif, nous avons organisé des dizaines de réunions, avec la population bien sûr, mais aussi avec les services municipaux et les élus. Et progressivement nous avons convaincus nos interlocuteurs de la nécessité de la création de ce nouvel équipement.

Ce travail se poursuit aujourd’hui avec le collectif « Le rideau bouge ». Et il faut le dire, et je veux lui rendre hommage parce qu’il a toujours affirmé avec force et constance, sa détermination à voir se réaliser ce projet, avec le soutien de Jean-François Voguet notre ancien maire.

Aujourd’hui Jean-Philippe Gautrais a repris le flambeau avec la même détermination. Bien sûr je ne veux pas oublier mon prédécesseur Michel Tabanou qui a apporté lui aussi sa pierre à l’édifice commun.

Nous avons déjà beaucoup parlé des raisons pour lesquelles la Salle J. Brel, salle polyvalente n’était pas adaptée au spectacle vivant. . Je ne veux pas y revenir trop longuement ce soir car c’est un débat qui appartient désormais au passé puisqu’il a été tranché par le conseil municipal qui a lancé le concours d’architecte dont nous allons découvrir le projet lauréat ce soir. Je veux juste réaffirmer qu’une salle polyvalente pour le spectacle vivant est un non-sens architectural.

On n’imagine pas un stade/Médiathèque ou une prison/ école maternelle et bien dans ce lieu nous accueillons entre deux spectacles de danse ou de théâtre aussi bien les repas des anciens, que la journée des cartables ou qu’une manifestation de la SPA avec des animaux en cages.

Vous me direz « on peut faire du théâtre partout ». Et vous aurez en partie raison. On peut parfois faire du spectacle vivant dans des lieux insolites et ça a d’ailleurs été le cas cette année avec le spectacle « De corporibus » de la Cie des hommes qui a eu lieu dans la piscine municipale ou dans le cadre de la biennale de danse du Val de Marne, « Exposur », spectacle chorégraphique qui a permis aux Fontenaysiens de découvrir la Régie du chauffage urbain, lieu insolite s’il en est. On peut donc faire du théâtre partout, y compris dans un théâtre car bien sûr, la plupart des spectacles nécessitent un lieu qui soit véritablement adapté à la création théâtrale.

Un théâtre, c’est un équipement mais c’est d’abord et avant tout un lieu où l’on raconte des histoires.

De tout temps, sur tous les continents, les êtres humains ont eu besoin de se raconter des histoires. Un besoin quasi vital.
Pendant la seconde guerre mondiale, dans le camp de concentration de Stutthof, une femme du nom de Flora dirigeait un théâtre de mie de pain. Avec une partie de sa maigre ration elle modelait de petites figurines. Le soir en cachette dans les toilettes, elle et quelques prisonnières animaient ces marionnettes de mie de pain devant des spectatrices affamées et promises au massacre.

Au même moment un enfant de 13 ans, Hans Hachenburg dans le camp de concentration de Terezin, écrivait clandestinement une pièce satirique. Elle s’appelait « On a besoin d’un fantôme ». Il y riait des nazis et de leurs complices. Il est mort à Auschwitz-Birkenau en 1944. Sa pièce qui a été retrouvée récemment a été montée par des collégiens Strasbourgeois et Suisses il y a quelques mois.

Même dans les circonstances les plus terribles, et peut-être surtout dans ces circonstances-là, l’être humain a besoin de raconter des histoires où qu’on lui en raconte. Et là, bien sûr la notion de spectacle vivant prend tout son sens. Ce qui se déroule sous nos yeux au théâtre saisit les émotions des spectateurs.

Quelques mots entendus sur la scène peuvent soudain donner du sens aux conflits qui nous habitent. Nous entrevoyons derrière la densité d’un geste, la portée d’un propos des choses qui entre en dialogue avec nous et nous amène sur les rives de la pensée. Le théâtre, c’est aussi un lieu privilégié pour la découverte du symbolique.

L’espace et les décors d’abord, qui parfois avec très peu de moyens évoquent une multitude choses. 3 ou 4 planches peuvent être plus suggestives qu’une avalanche d’effets spéciaux. Mais le geste et la voix sont évidemment les formes privilégiées de l’expression symbolique. Une manière de marcher, de s’asseoir, de se lever parle à l’intelligence et à la sensibilité. Ils disent la tristesse où la joie, l’inquiétude où la peur de façon infiniment plus dense que dans les formes convenues du bavardage social.

Et puis, le spectacle vivant est un formidable moment de partage. Je vais au spectacle et des hommes, des femmes vont faire exister devant moi, un univers infini et fugace construit avec leurs voix, leurs gestes et leur regard.

Le spectateur va vivre ainsi un moment magique éphémère et précieux.

Parce qu’en réalité c’est lui qui est là, sous ses propres yeux. C’est lui cet homme avec un vieux pardessus et une valise à la main qui cherche son chemin sur cette terre. C’est lui cette femme qui crie sa révolte contre une guerre qu’elle ne comprend pas et qui lui a pris son fils. C’est lui cet enfant qui a peur. C’est lui qui est avare, jaloux, capricieux et ridicule. C’est lui qui saute de joie au retour de l’ami et pleure la mort de l’être aimé. C’est lui qui veut résister face au danger mais qui est aussi tenté de fuir. C’est lui qui ment et qui exige la vérité. C’est lui, et c’est moi, c’est nous tous, ensemble.

Pour en savoir plus http://www.fontenay-sous-bois.fr/…/bf675d5dd757…/index.html…

 

Marc Brunet

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