Coopérative écologiste : Violences faites aux Femmes
Compte-rendu du débat sur les violences faites aux femmes
Organisé par la Coopérative EELV 94120 le 05/02/2013.
La coopérative EELV 94120 a choisi d’inaugurer l’année 2013 sur des problèmes qui continuent d’être massifs dans la société malgré les efforts de sensibilisation de la société et des pouvoirs publics. Les violences sur les femmes ne se limitent pas aux violences conjugales : elles incluent entre autre les agressions verbales, les mariages forcés, le harcèlement au travail, le viol. La coopérative a invité Warda Saoudi, de l’association H.O.M.E et Carine Broca, avocate de l’association « Femmes Solidaires » pour venir nous faire un état des lieux, nous parler de la prévention et de l’application de la loi.
H.O.ME est une association qui agit pour les femmes du Val de Marne : elle propose des solutions d’hébergement pour des femmes en précarité ou victimes de violence et les redirige vers d’autres pour leur assurer une aide juridique. Surtout, elle assure une cohésion de l’accompagnement pour des femmes souvent isolées et victimes de l’intolérance de leur entourage et des pouvoirs publics. L’association est aussi là pour mettre la pression sur les institutions, notamment le tribunal de Créteil, connu pour sa lenteur ainsi que la préfecture qui n’est pas à la hauteur pour le DALO. Elle fonctionne en réseau avec d’autres associations féministes complémentaires et bénéficie de bons contacts avec les services municipaux ce qui crée une bonne dynamique locale.
Femmes Solidaires était représenté par l’avocate Carine Broca et la présidente du groupe de Fontenay Anne Godard. L’association se bat pour les droits des femmes partout en France. Reconnue mouvement d’éducation populaire, l’association va dans les écoles, forme des animateurs. A Fontenay elle dispose d’une permanence quotidienne avec un salarié qui donne un coup de main aux femmes, leur explique leur droit et leur facilite leur démarche. Carine Broca reçoit une fois par semaine les femmes victimes de violences qui veulent des renseignements, des conseils et un soutien moral. Il faut dire que la femme victime de violence doit faire un parcours du combattant pour être reconnue.
S’agissant de la prévention, H.O.M.E pratique des interventions dans les lycées et collèges avec lesquels l’association a des partenariats. Elle peut intervenir quand il y a crise entre deux personnes. Leur travail consiste à donner connaissance aux animateurs et aux personnels de leur devoir. Par exemple, pour faire face aux forts taux de suicides chez les jeunes, le personnel encadrant doit être sensibilisé sur les violences sexuelles, la misogynie qui s’exprime souvent par des agressions verbales et savoir qu’il y a des relais auprès de la ville si le cas est grave. Ils doivent faire un signalement quand un mineur est en danger. Il est important de prévenir et d’identifier les jeunes filles qui sont victimes avant qu’elles ne deviennent des boucs-émissaires. L’association a aussi pour objectif de toucher les garçons pour faire en sorte qu’ils évoluent. Rentrer dans les familles est plus difficile, longtemps l’association a fait de la médiation sur les mariages arrangés.
Carine Broca évoque son expérience d’avocate et le terrible fossé entre la théorie et la pratique, c’est-à-dire entre les textes législatifs et ce qui se passe dans les tribunaux. L’exemple flagrant en est l’ordonnance de protection de 2010 qui donne la possibilité à une victime de violence de saisir un juge rapidement pour protéger la famille. Mais les femmes sont isolées et larguées dans ce processus, aboutissant à beaucoup de désistements. Faute de preuves, le parquet rejette beaucoup de demandes et n’intervient que dans 1% des cas. Ce qui peut avoir des conséquences dramatiques car si la femme est déboutée sur la demande d’ordonnance de protection, le mari s’en sert pour demander la relaxe au pénal. Par conséquent, Carine Broca n’utilise pas cette ordonnance et voit avec ses clientes comment jouer avec la loi. Elle demande un divorce pour cas d’urgence, choisit ses juges.
Il y a des dysfonctionnements dans la justice. D’abord les juges sont débordés, ils n’ont pas le temps. Ils ne sont pas non plus très formés sur ces questions et n’aiment pas aller aux affaires familiales. De plus la justice est à deux vitesses : les jugements ne sont pas réguliers selon les juges et selon les tribunaux et il faut avoir les moyens, tout le monde n’a pas le droit à l’aide juridictionnelle. Il est cependant difficile de dire à une victime qu’elle ne devrait pas aller en justice et qu’il vaudrait mieux faire de l’amiable.
En amont, le commissariat est obligé de prendre la plainte et non pas de faire une main courante. Mais on dit souvent aux victimes qu’elles n’ont pas de preuves, qu’il n’y a pas d’officier de police judiciaire pour prendre la plainte. Il y a un référent sur les violences conjugales dans chaque commissariat mais pour l’avoir c’est une autre affaire. Pour que cela change, il faut des pressions locales et réunir tous les acteurs concernés.
Ce fut au tour de la salle d’intervenir et de poser des questions aux intervenantes. Ce qui a permis de mettre en lumière l’exemple de la Seine Saint Denis où les politiques se sont emparés du problème et ont créé un observatoire sur les violences faites aux femmes. L’observatoire produit des colloques, des recherches, des campagnes d’affichage, travaillant en réseau avec les associations. Il faut donc une volonté politique. Il y a un observatoire dans le Val de Marne mais il ne fait rien.
Enfin, un participant est venu nous faire bénéficier d’un retour d’expérience d’un combat mené au Sénégal contre l’excision. Pour pouvoir permettre l’accès à l’information, ils ont procédé à des ciblages basés sur des leaders d’opinions, des célébrités de tout ordre et de tout âge pour toucher le maximum de personnes. La campagne a été élaborée avec eux et le village est passé de 100% à 0% d’excision. Le Val de Marne pourrait s’en inspirer. Warda Saoudi remarque néanmoins que les associations ici ont déjà du mal à répondre aux cas individuels qui les submergent.
Le débat s’est terminé sur une note positive : on voit que les gens sont sensibilisés à ces questions et qu’il y a des possibilités d’action locale.
compte rendu rédigé par Mathieu ALBOUY
retrouvez les liens et infos sur notre article précédent : https://fontenaysousbois.eelv.fr/5eme-soiree-debat-de-la-cooperative-les-violences-faites-aux-femmes/
intervenants :
Ouardia SADOUDI, de l’association « H.O.M.E. »
Carine BROCA, avocate auprès de l’association « Femmes Solidaires»
Débat très riche…