Pour passer des mots aux actes

À Bonn, les nombreuses délégations officielles et des acteurs de la société civile qui se sont réunis pour la COP23 ont pu à nouveau faire le constat de l’ampleur des dangers auxquels le changement climatique nous expose.

Il y a quelques jours, 15 000 scientifiques alertaient le monde sur l’état de la planète. L’humanité approche du point de non retour au delà duquel l’inertie des processus engagés rendra l’effondrement inéluctable. Tous les voyants qui signalent l’atteinte à la vie sur terre clignotent : le nombre des vertébrés a été divisé par deux à l’échelle planétaire en 40 ans ; celui des insectes a baissé de 80% en 30 ans en Europe.

Dés 1972, les analyses du club de Rome avaient exposées l’incompatibilité entre, d’une part, un modèle de développement dont la prédation a été décuplée par la révolution industrielle et, d’autre part, la capacité de l’humanité à continuer de vivre dignement sur Terre. Ces analyses avaient alors été ignorées des « sachant‑es » et des « important‑es ».

20 ans plus tard, en 1992, au sommet de Rio, un premier appel de scientifiques mettait en garde sur la situation environnementale de la planète. Craignant pour leurs intérêts et comprenant bien dans quelle mesure cet appel remettait en question les bases de la logique capitaliste et productiviste, les lobbies se sont organisés pour faire diversion. Il s’agissait de moquer les écologistes les décrivant comme étant « animés par une idéologie irrationnelle qui s’oppose au développement scientifique et industriel ». Ce sera l’appel d’Heidelberg diffusé quelques semaines avant le début du sommet…

Puis, entre 2002, et le discours de Chirac sur « la maison brûle » et l’accord de Paris, en 2015, l’écologie a commencé à gagner dans les mots.

Mais elle peine à gagner dans les actes…

2017 est l’année qui voit de nouveau augmenter les émissions de gaz à effet de serre. En France, la transition énergétique, pourtant votée par les parlementaires, est reportée sine die. De nouveaux pesticides sont autorisés. On proclame des projets d’autoroute « d’utilité publique », comme le gouvernement l’a annoncé jeudi pour le Grand contournement Est de Rouen… Comment, à l’heure des sommets climat, des rapports alarmistes, et de l’urgence à agir, une autoroute peut-elle être « d’utilité publique » ?

Les intérêts particuliers et les lobbies ont mille visages : ils y a ceux, reconnaissables, des multinationales identifiées (Monsanto, Total,…), des politiques caricaturaux comme Donald Trump. Mais ces lobbies interviennent aussi de façon moins frontale et apprennent à reprendre les mots de l’écologie pour mieux esquiver les décisions et les actes. C’est le cas d’Emmanuel Macron qui utilise la tribune de la COP 23 pour faire l’apologie du nucléaire comme remède aux énergies fossiles. C’est le cas de Justin Trudeau, Premier Ministre du Canada, au look tellement « cool », mais qui soutient l’exploitation des sables bitumineux et promeut le CETA.

Ce constat est à mon sens la démonstration que pour mettre en cohérence les discours et les actes, nous ne pouvons pas nous satisfaire de l’illusion des apparences. On entend parfois que désormais, l’écologie est partout. En réalité, dans les décisions majeurs, elle n’est nulle part. Pour que les transformations que nous savons indispensables soient mises en œuvre, il faut des écologistes qui pèsent à la fois dans la société mais aussi dans les institutions. Non pas simplement des femmes et hommes écologistes ici ou là, isolé‑es les uns des autres, maniant quelques leviers sans malheureusement peser sur la marche du monde. Mais des écologistes ensemble, renforcés par leur réflexion et leur action commune, et qui, parce qu’ils sont solidaires, parviennent à obtenir les victoires dont le climat et la Nature ont impérativement besoin.

« Au début, ils vous ignorent, ensuite ils vous raillent, puis ils vous combattent et enfin, vous gagnez. »

Aujourd’hui, les lobbies n’ignorent plus l’écologie. Ils ne s’en moquent plus. Ils la combattent. Ils la combattent pour faire perdurer un modèle économique de plus en plus fou, qui les enrichi toujours d’avantage au détriment de la Nature et de la grande majorité des humains.

C’est pour cela que nous sommes là. C’est le sens de notre engagement. Nous nous inscrivons dans cette lignée de femmes et d’hommes qui ont eu à affronter l’ignorance, le mépris, les moqueries, les combats, mais qui avec constance, cohérence et courage ont tenue allumée cette petite lumière, celle de l’écologie. Notre responsabilité est de tenir pour transformer cette petite lumière en victoire.

Elle est là, la nécessité d’un mouvement écologiste. Un mouvement de mobilisations citoyennes, mais aussi un mouvement pour agir, et assumer les décisions que nos dirigeant‑es n’assument pas. Un mouvement qui porte dans la société une pensée vivante, de plus en plus riche, et qui s’avère chaque jour plus pertinente.

 

David Cormand

 

Secrétaire national

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