Mariage de Laurence

La vie d’un élu municipal, vous le savez, est rythmée par de nombreuses activités différentes ; certaines complexes et qui nécessitent des arbitrages délicats comme l’élaboration du budget qui nous occupe chaque année pendant de longues semaines, d’autres parfois douloureuses lorsqu’il faut essayer de répondre aux difficultés que rencontrent certains de nos concitoyens ; difficultés liées aux problème de logement, au chômage, difficulté financières, et souvent c’est vers ces élus de proximité que sont les élus municipaux que l’on se tourne pour trouver de l’aide. D’autres activités sont heureusement plus heureuses et conviviales autour de fêtes de quartiers, de l’inauguration d’une crèche, d’un équipement culturel ou sportif.
Mais parmi toutes ces activités, il en est une très particulière et souvent très émouvante ; c’est celle qui nous réunit aujourd’hui dans cette salle. C’est sans doute le lieu de notre maison commune qui génère le plus d’émotion. On y sourit beaucoup, on y rit aussi et parfois on y pleure. Mais quand on y pleure, ce sont des larmes de joie et de bonheur. Je dois vous avouer que bien qu’étant de par mon métier souvent amené à me produire devant un public, c’est dans cette salle que j’ai parfois le plus le trac. Et tout particulièrement aujourd’hui quand les futurs mariés sont des amis et même si ils ont pris la décision de se marier dans la plus stricte intimité en ne conviant que la famille et les amis les plus proches.

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Je sais que beaucoup d’entre vous ne sont pas Fontenaysiens et j’aurai plaisir à vous parler de notre ville, de ce qui fait ses richesses, ses singularités, mais je serai sans doute trop long et je m’éloignerai de ma fonction du jour, sachez cependant que la devise de notre vielle c’est « Fontenay, une Ville à vivre ». Et que pour nous, une ville à vivre doit être solidaire, écologique et citoyenne. Notre ville est également une ville de la diversité. Et en particulier de la diversité des origines. Depuis près d’un siècle, des vagues d’immigration successives ont enrichi notre ville. Immigration italienne d’abord, puis portugaise, latino-américaine, d’autres venues du continent africain, des familles fuyant des dictatures ou la misère. Ces familles ont trouvé à Fontenay, une ville qui les a accueillis et où elles ont pu se reconstruire. Elles ont en retour enrichies Fontenay de leurs apports culturels, de leur énergie. Elles se sont investies dans la vie citoyenne. Et c’est ainsi qu’aujourd’hui on trouve au conseil municipal, des Marie jo Do Rosario, des Nassim Lachelache, des Assia Benziane ou des Sokona Niakaté aux côtés des Jean-François Voguet, des Fabienne Bihner ou des Claude Mallerin. Nous accueillions encore aujourd’hui des réfugiés qui viennent de Syrie, d’Erythrée, d’Ethiopie… et nous en sommes heureux. L’association qui gère l’accueil de ses familles nous a avoué qu’elle n’avait jamais connu une telle solidarité dans une ville autour de l’accueil de réfugiés et nous en sommes fiers. Si je vous parle de cela, c’est parce que je pense que nous sommes à un moment charnière de notre histoire et de ce qui fonde nos valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Et que la montée de forces obscures un peu partout en Europe et en France doit nous conduire à tout faire pour les renforcer, ces valeurs qui ont fondé notre république.

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Et je vous parle de cela également pour vous parler de Laurence et de Jean et de leurs engagements.
Et d’abord de Laurence, parce que justement l’un de tes premiers engagement c’était contre ses forces obscures, contre la xénophobie et le racisme, dans le collectif, ras le Front.
J’ai fait ta connaissance, il y a maintenant 16 ans lorsque nous avons eu la bonne idée d’adhérer à quelques jours d’intervalles au parti des verts. Nous n’imaginions pas alors, ni toi, ni moi que ce serait le début d’une formidable aventure politique et humaine qui m’amènerait aujourd’hui à t’appeler madame la députée. Bien sûr tu as toujours été attentive aux autres et au monde dans lequel tu vis et ton engagement dans des organisations de jeunesse pendant ton adolescence en atteste. Mais ton engagement politique au sens strict remonte à cette année 2000 qui t’a vue adhérer aux verts et il était motivé à la fois par ton attachement aux causes environnementales et à ton inquiétude devant la montée du Front National. Immédiatement ta capacité à prendre des initiatives à impulser et à organiser des actions a pu se déployer à l’intérieur du groupe et tu as grandement contribué à faire en sorte que les propositions écologistes trouvent progressivement leur place dans la mise en œuvre de notre politique municipale. Et c’est ainsi que tu es très vite devenue conseillère municipale, puis conseillère régionale, maire adjointe à l’urbanisme et enfin députée de la circonscription Fontenay-Vincennes-Saint-Mandé qui faut-il le rappeler n’avait jamais pu être conquise par la gauche même dans les périodes politiques les plus fastes. Peu de gens à l’époque auraient pariés sur tes chances de victoire, mais toi et moi et quelques autres, qui sont dans cette salle, y avons suffisamment crus pour y arriver.

Quel parcours en aussi peu de temps. Ta détermination et ta capacité à entreprendre s’accompagne d’un goût prononcé pour la fête et la convivialité et la fête des vœux des verts de Fontenay qui est devenue à ton initiative chaque année au mois de janvier l’un des rendez-vous incontournables du début d’année politique en atteste. A l’assemblée, loin de faire de la figuration, tu te distingues en portant un regard politique sur la question du bien-être animal, tu te bas pour que les animaux soient reconnus en tant qu’êtres sensibles et tu t’engages fortement contre la maltraitance. Et ta voix a porté loin puisque ton message a alerté jusqu’à Malibu. Tu obtiens également des avancées sur la protection contre les ondes électro magnétiques grâce à une loi qui porte ton nom. Au plan personnel les valeurs de l’amitié ont une grande importance pour toi et la présence aujourd’hui de tes amies de jeunesse l’atteste. Alors quand même, l’honnêteté m’oblige à signaler toutefois quelques bizarreries comportementales. Si vous invitez Laurence à diner, au dessert, inutile de prévoir une tarte aux pommes ou un vacherin. Si vous voulez véritablement lui faire plaisir, avec le café, proposez-lui une sole meunière. Laurence a également un don inné pour la musique, mettez lui pour la première fois un saxophone entre les mains et vous croirez entendre Charlie Parker, comme s’en souviennent encore les participants à la fête de la musique du 21 Juin 1981. Enfin, il pourra vous arriver si vous vous promenez en hiver dans le parc de l’Hôtel de ville de découvrir notre députée en train de ramper sur le sol en mode commando de marine et particulièrement les jours de grand froid. J’imagine que c’est pour s’endurcir car la vie politique est parfois un dur combat. Mais bon, à chacun sa part de mystère…

 

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J’ai fait ta connaissance, Jean, quelques années après avoir fait celle de Laurence. Nous avons entre autres points communs, celui d’être nés la même année, à quelques semaines de distance. Nous étions adolescents en mai 68 et toi comme moi avons été profondément imprégnés par cette période qui nous a donné la conviction qu’il fallait et que l’on pouvait changer le monde. Très vite tu t’es engagé dans les luttes étudiantes. Comment combattre efficacement les inégalités sociales, les discriminations, le capitalisme. C’est la découverte des écrits du sociologue américain Saul Alinski qui va déterminer en grande partie ton parcours politique et professionnel. Quelques mots quand même sur Alinski puisqu’il aura inspiré deux personnalités politiques majeures, le président Barak Obama et le sénateur Jean Desessard. Il est cependant vraisemblable que l’une de ces deux personnalités ait eu un parcours politique plus en adéquation avec celui d’Alinski. Je vous laisse deviner laquelle.
Considéré comme l’un des maitres à penser de la gauche radicale américaine, Saul Alinsky au fil des expériences imagine une stratégie, pour aider les personnes les plus opprimées à s’organiser et à construire des luttes auto gérées radicales et efficaces. Pourquoi ne pas implanter des animateurs politiques dans les quartiers pauvres, des spécialistes de l’organisation populaire. En 1939 il décide de mettre ses idées en pratique et s’installe dans le quartier le plus misérable de Chicago. Au milieu des chômeurs, des ouvriers sous-payés, il commence par écouter et observer. Patiemment, il s’intègre à la vie du quartier. Peu à peu, il suggère des rencontres entre habitants, encourage les uns et les autres à prendre la parole, à exprimer leur colère face aux propriétaires, aux autorités ou aux patrons locaux, puis à définir des revendications et imaginer des stratégies de victoire. Alinsky appuie fortement les propositions d’actions directes non violentes et ludiques. L’une d’elle consistait à organiser des lâchers de rats pendant les conseils municipaux afin de faire avancer la question des logements sociaux. Mais par respect pour la condition animale, je ne propose pas du tout de populariser ce type d’action à Fontenay. A propos de condition animale, je tiens à signaler pour l’en féliciter que Jean à récemment passé brillamment, sans doute à l’instigation de Laurence son brevet de sauveteur de moutons en n’hésitant pas pour cela à se jeter courageusement dans l’eau glacé d’un étang bourguignon. À propos de moutons, revenons aux nôtres.

Et donc, à l’instar d’Alinski et alors que tu aurais sans doute pu devenir un brillant chercheur en mathématiques, l’une de tes passions, et après t’être fait une solide réputation de déclencheur de grèves dans le milieu étudiant, réputation qui te précédera au service militaire ou se crée un comité de soldats quelques jours à peine après ton arrivée, ce qui te vaudra une convocation dans le bureau du colonel alors que pour une fois tu n’y étais pour rien et donc disais-je, tu décides de devenir animateur socio-culturel, puis directeur du centre socio-culturel « jeune cité » à Evreux. Ton engagement sur les questions politiques et sociales ne se démentira pas par la suite puisque tu adhères au parti des verts en 1989, devient l’un des organisateurs des marches contre le chômage en 94, puis délégué national des chômeurs et précaires et coorganisateurs des marches européennes de 97.Aujourd’hui président du groupe écologiste au Sénat, tu n’as pas renié tes engagements d’origine, et tu te bats entre autre pour l’instauration d’un revenu de base. Pour acter le fait que le droit à une existence digne est un préalable indispensable à l’appartenance et à la participation à la société. Pour une nouvelle forme d’organisation collective, de solidarité qui permette à chacun de satisfaire ses besoins essentiels et de ne pas être exclu.
Mais notre sénateur a aussi un cœur de rockeur qui l’amène à être le directeur administratif du Centre d’information du Rock à la Villette afin de promouvoir la musique Rock et l’information sur les droits des artistes en France et en Europe. Le rock jouera d’ailleurs un rôle non négligeable dans vos vies car ce n’est pas seulement par vos capacités intellectuelles que vous vous plûtes mais également par vos talents de danseurs dont nous aurons, nous l’espérons un aperçu tout à l’heure.

 

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Mariage laurence

 

L’histoire de Jean et de Laurence au-delà de leurs engagements réciproques est bien sûr aussi comme dans tous les couples celle de leur complémentarité et de leurs différences. A Laurence issue d’une famille d’artistes de grand talent, la créativité, la capacité à imaginer, à impulser. Jean c’est la capacité de travail et l’esprit de synthèse. Ne croyez pas cependant que cet esprit rigoureux le privera du plaisir de mettre 4h à faire le marché pour le bonheur de bavarder de tout et de rien avec qui l’aborde, là ou Laurence n’aurait mis qu’une demi-heure et serait allée à l’essentiel. Le sénateur est un bon vivant et ça se voit. C’est l’un de nos autres points communs. Bonne chère, bon vin, bonne humeur, bonnes blagues. Le bonheur, pour Laurence c’est parfois de chanter jusqu’à une heure avancée de la nuit en compagnie de quelques amis. Pour Jean c’est le plaisir de voyager au bout du monde quand Laurence totalement allergique au fait de monter dans un avion et pas seulement pour des raisons de bilan carbone, préférera quelques jours tranquilles à la campagne. C’est aussi et là pour tous les deux, mais je l’ai déjà dit, le plaisir d’un rock endiablé même si Jean est plutôt Elvis et Laurence plutôt Beatles. La relation de Jean et de Laurence est donc celle de deux fortes personnalités dont l’une des caractéristiques communes est le sens de l’engagement. Et c’est sans doute ce sens de l’engagement qui vous conduit aujourd’hui à avoir décidé de vous marier après déjà un certain nombre d’années de vie commune. Un esprit facétieux m’a soufflé que peut-être en aviez-vous assez de faire chambre à part, Jean étant dans la chambre haute, le sénat et Laurence dans la chambre basse l’assemblée. Ceux qui le connaissent auront reconnu la malice de Marc Papillion.

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Je pense plus simplement que c’est l’amour que vous vous portez qui vous conduit aujourd’hui à officialiser votre relation. Ne croyez pas cependant que cette relation soit toujours sans nuages, car je l’ai dit votre union est celle de deux fortes personnalités qui ne manquent ni de caractère, ni d’ambition, ni de convictions. Ce qui ne va pas parfois sans faire d’étincelles qui ne sont pas toutes de génie. La vie de couple n’étant pas toujours un long fleuve tranquille. Mais n’est-ce pas le propre d’une relation amoureuse inscrite dans le temps que de passer de temps à autres par des phases de tension qu’il faut savoir surmonter. Ce n’est pas Jacques Brel qui me contredira qui dans l’une de ses plus belles chansons d’amour nous éclaire :
« Bien sûr nous eûmes des orages, 20 ans d’amour c’est l’amour fol
Mille fois tu pris ton bagage, mille fois je pris mon envol… »
« Et plus le temps nous fait cortège
Et plus le temps nous fait tourment
Mais n’est-ce pas le pire piège
Que vivre en paix pour des amants »
Et finalement, qui mieux que les poètes pour nous parler de l’amour :
« L’amour, c’est l’occasion unique de murir, de prendre forme, de devenir soi-même un monde pour l’amour de l’être aimé. C’est une haute exigence, une ambition sans limite, qui fait de celui qui aime un élu qu’appelle le large », nous dit Rainer Maria Rilke
« Seul l’amour et l’Art rendent l’existence tolérable » estime William Somerset Maugham
Mais je laisserai Victor Hugo conclure, lui qui après avoir eu l’existence tumultueuse, dense et engagée qu’on lui connait nous livre cette sentence :
« Que reste-t-il de la vie excepté d’avoir aimé »

 

Marc Brunet

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