L’écologie politique et son avenir en débat.

Il nous incombe désormais d’initier la création de véritables passerelles entre organisations politiques de gauche, au sens large, et un collectif citoyen structuré autour d’associations et d’ONG représentatives de la solidarité, de la citoyenneté, du social et de la défense de l’environnement.

Objectif : définir les axes de convergence pour développer une écologie politique autour de grands axes : le logement, le travail, l’environnement et les biens communs, par exemple.

Il est indispensable de se retrouver, d’échanger, de se comprendre après une année 2017 marquée par une marche forcée de régressions sociales. Des nouveaux avantages ont été donnés aux plus riches, et les politiques sur le logement, le travail, l’environnement et des services publics ont été menées au détriment du plus grand nombre.

Des çollectifs citoyens de type « dialogue des gauches » doivent se former pour refuser le constat de la division des forces politiques de transformation sociale et écologique.

Il nous faut retrouver la capacité d’échanger sans autre objectif que de s’écouter, discuter, transmettre des points de vue et attentes des citoyens.

Le Parti Communiste Français, , Le Front de Gauche Europe Ecologie les Verts, Génération.s le Mouvement, Ensemble!, et bons nombres de déçus du Parti Socialiste et bientôt fe l’aile gauche et centriste de La République En Marche, ont tout à y gagner.

Que chaque parti garde son autonomie vis-à-vis de ses partenaires, pourquoi pas? Mais cela ne sera pas suffisant pour fixer un avenir durable à l’écologie politique telle que chacun la perçoit.

A un moment donné, Il faudra néanmoins savoir se retrouver autour de nos idées et convictions pour faire front se luttes et de propositions pragmatiques, face àu néolibéralisme et aux forces identitaires, en commun.

Eelv Fontenay-sous-bois propose de s’appuyer sur les avis entrecroisés de Maxime Combes et de Jacques Munier pour mener à bien cet objectif.

Toutes les études d’opinion l’indiquent : la crise écologique, à travers ses diverses dimensions – climatique ou sanitaire par exemple – est aujourd’hui bien mieux appréhendée par la population qu’elle ne l’était il y a quelques années. Nous sommes de plus en plus nombreux à établir un lien direct entre les dégradations de l’environnement et notre santé.

On observe aussi que le courant climatosceptique, qui nie le réchauffement climatique ou son origine anthropique, perd régulièrement du terrain dans les esprits de nos concitoyens.

Quand on regarde les nouvelles générations, en âge de voter ou non, on constate que les jeunes sont particulièrement inquiets, ainsi qu’intéressés, par les défis écologiques auxquels nous sommes confrontés : si ce renouvellement générationnel va prendre du temps, il est sans doute pour une grande part inéluctable.

Les études montrent qu’ils sont de plus en plus nombreux à s’investir dans des causes écologiques, suivant des modes d’action forts différents, qui vont de la simple pétition à la participation à des modes d’action plus engageants et plus exigeants, tels que des expériences alternatives ou des manifestations.

Si ce n’est pas toujours perceptible au quotidien, une profonde mutation écologique touche également le monde et les débats politiques. Si l’écologie est désormais un passage obligé des programmes électoraux, elle est même devenue le cœur des programmes des candidats de gauche.

Notamment ceux de Benoit Hamon et Jean-Luc Mélenchon qui ont intégré l’idée qu’il n’y aurait pas de solution aux diverses crises que nous traversons sans mettre l’exigence écologique au cœur du logiciel de transformation de la société.

Si ces deux candidats ont été éliminés au premier tour de la présidentielle, c’est la première fois dans l’histoire du pays que nous avons 27 % des électeurs qui ont voté en faveur de programmes qui proposaient de mettre fin au nucléaire et de conditionner les politiques économiques et sociales au respect des exigences écologiques. C’est un événement majeur et qui aura des conséquences de long terme.

Alors que la préoccupation écologique imprègne de plus en plus l’ensemble des composantes de la société – de façon très diverse – et qu’elle était au cœur des programmes de certains candidats, elle était absente des débats politiques du premier et du second tour. Dans l’espace proprement politique, on observe un double mouvement : la plus grande présence des préoccupations écologiques et un relatif silence sur les débats politiques que cela devrait générer.

Là où des sujets comme les politiques économiques, la moralisation de la vie politique ou la probité des candidats clivent le débat public, ce n’est pas le cas de l’écologie, qui reste périphérique aux débats centraux quotidiens.

Jamais la crise écologique n’a été présentée de telle façon à ce qu’il y ait un débat contradictoire de qualité. Pourtant, organiser la sortie du nucléaire ou décider de poursuivre des investissements dans cette filière a de fortes implications financières (plusieurs dizaines de milliards d’euros dans les deux cas), économiques, sociales (reconversion et formation des salariés) et devrait être un des sujets majeurs du moment.

Sans débat organisé, et sans présentation d’arguments contradictoires, il est difficile d’intéresser le grand public : sans conflictualité les citoyens ne le voit pas comme un sujet important qui, du coup, ne marque pas la campagne.

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L’écologie en politique se trouve à un tournant
Europe Ecologie Les Verts n’est plus le seul parti dépositaire de l’écologie politique. A rebours, la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, et à un degré moindre Benoît Hamon et son entourage, portent une grande responsabilité dans le futur et les transformations à venir de l’écologie politique. C’est une nouvelle donne.

Mais il faut également avoir conscience que la question écologique n’est pas consignée au seul cadre partidaire. Au-delà des ONG, dont l’engagement en matière d’écologie est ancien pour un certain nombre d’entre elles, de nombreuses associations – comme Attac France – et syndicats se sont emparés de la question et ont contribué à la prise de conscience générale et à la transformation des logiciels politiques de gauche.

Il ne faut pas oublier non plus ce qu’on pourrait appeler le virage éco-territorial des luttes sociales : ce sont toutes ces mobilisations citoyennes qui mêlent un langage écologiste et une pratique de la résistance et de l’alternative inscrite dans des territoires. Le territoire n’est pas ici un confetti qu’il faudrait sauver des dégâts du productivisme, de l’industrialisation ou de la mondialisation néolibérale.

Il est au contraire l’espace à partir duquel se construisent résistances et alternatives, c’est-à-dire à partir duquel se pense et s’expérimente le dépassement des modèles économiques, financiers et technologiques insoutenables actuels. Les mobilisations contre les gaz et pétrole de schiste, contre l’aéroport de Notre Dame des Landes, contre les grands projets inutiles en sont de bons exemples.

Au lendemain de la COP21, on assiste également à une relocalisation des batailles climatiques. On a des combats ancrés sur les territoires où les gens se mobilisent contre des projets jugés à la fois contraires à l’environnement et à leurs convictions.

Cette dynamique de mobilisation, et de construction d’alternatives citoyennes (AMAP, circuits courts, agro-écologie, centrales électriques renouvelables citoyennes ou villageoises, etc) pose un défi de taille à l’écologie politique. Il est beaucoup plus difficile de coordonner des dizaines de luttes avec des gens sur des terrains locaux, que d’avoir un mouvement impulsé par le « haut ».

En France, le défi majeur pour l’écologie politique de demain est de construire un projet autour de ces luttes et alternatives locales, tout en les articulant à un discours politique plus global qui donne du sens et une perspective politiques. Quelles que soient les décisions et le futur des partis politiques de gauche, y compris EELV, l’écologie politique va de toute façon se transformer au contact de cette nouvelle situation et des nouvelles générations.

Maxime Combes
http://www.seuil.com/auteur/maxime-combes/16561

De fait, l’écologie politique n’est pas morte. Elle est en profonde mutation. Une vingtaine d’associations, d’ONG, de syndicats et partis politiques s’engagent en faveur d’un maintien de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes en cas d’abandon du projet d’aéroport. Leur tribune est publiée par Mediapart et Jade Lindgaard, qui avait réalisé plusieurs reportages sur le terrain pour le site d’information en ligne, relaie leur soutien « à l’expérimentation sociale à ciel ouvert qui se déroule sur les hectares occupés par le mouvement anti-aéroport » :

« Dans un monde miné par l’individualisme, le gaspillage des ressources naturelles, les crises sociales et environnementales, le bocage de Notre-Dame-des-Landes doit rester une terre d’inspiration et d’espoir, nourrie par l’idée des biens communs, les solidarités et le soin du vivant. »

On voit bien qu’au-delà des arguments écologiques, c’est la perspective utopique d’un renouvellement de la politique qui anime ce mouvement. Pour de nombreux intellectuels engagés dans la cause environnementale, c’est d’ailleurs la seule véritable issue aux problèmes posés par le réchauffement climatique et la dégradation de la biosphère : un changement radical de nos modes de vie, de consommation et de prédation des ressources.

« L’anthropocène renouvelle notre philosophie politique » affirment les coordinateurs du dossier proposé par la revue Esprit. « Donner leur place aux contenus sociaux des contraintes écologiques, c’est rouvrir la possibilité de la politique, d’une action politique autonome », écrit la philosophe Catherine Larrère.

Et Bruno Latour relève que « les questions écologiques ne peuvent pas reposer sur l’appareil normal de l’État. Ce dernier s’occupe toujours de ce que les militants sont parvenus à rendre visible avant. Tel est l’intérêt des zones à défendre ». Le sociologue observe que « les questions écologiques restent extérieures aux préoccupations sociales tant qu’il n’y a pas de peuple capable de les lier ». Il estime dans l’entretien intitulé Une terre sans peuple, des peuples sans Terre qu’il faut « trouver un peuple correspondant à la question écologique, de la même manière qu’il y a eu longtemps un peuple qui correspondait à la question sociale ».

En prenant du champ, il déduit de l’attitude du président américain – qui déserte le monde commun et déclare la guerre aux pays qui font l’épreuve de la mutation écologique en prétendant que leurs problèmes ne le concernent pas – qu’il reconnaît ainsi « clairement que l’environnement est la grande question géopolitique » du moment. Ce qui conduit Bruno Latour à développer l’hypothèse « d’une fuite généralisée vers l’offshore » des classes possédantes qui ont optimisé leur magot au soleil des paradis fiscaux en creusant les inégalités et en séparant leur monde à coups de frontières et de murs érigés autour de l’American way of life.

« La conjoncture forme un triangle – résume-t-il – premièrement l’horizon de la mondialisation continue, sous la forme baroque d’une hypermodernisation futuriste et post-humaine ; deuxièmement, une régression massive, dans tous les pays, vers des appartenances ethniques ou nationales ; et troisièmement, la question d’une autre façon d’être au monde, d’un ancrage au sol mondial, qui n’est pas le sol barrésien fait de sang, de morts, de cimetières et d’églises.

C’est là qu’il faut tracer une nouvelle opposition entre l’horizon utopique du retour au sol natal et la question nouvelle du terrestre. »

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Dans ce contexte, « l’Europe est à la bonne échelle ». Face à « l’abandon simultané des Etats-Unis et du Royaume-Uni, l’hostilité toujours aussi pressante de la Russie et la concurrence de la Chine », semble se dessiner en creux « l’Europe comme zone à défendre »… D’autant que derrière les défis que nous peinons à relever s’en profilent déjà d’autres. Dans un ouvrage au titre éloquent : La guerre des métaux rares (Les Liens qui Libèrent), Guillaume Pitron explore La face cachée de la transition énergétique et numérique.

Il s’en explique dans les pages Débats de L’Obs : les technologies dont on attend la solution à nos défis environnementaux sont avides de métaux rares dont l’extraction est extrêmement polluante et qui nous placent dans une situation de grande dépendance vis-à-vis de la Chine, laquelle « développe une impressionnante stratégie à long terme », sur son sol et ailleurs, en Afrique notamment.

Les moteurs électriques, les éoliennes, le solaire, ainsi que les technologies numériques, des téléphones portables aux infrastructures informatiques, sont truffés de ces métaux aux noms barbares : antimoine, germanium, lithium, cobalt, bismuth, terres rares…

« Si vous faites le calcul sur l’ensemble du cycle de vie des voitures électriques et de leurs batteries, depuis les mines dans lesquelles sont extraits les métaux jusqu’aux décharges, elles consomment autant d’énergie primaire (fossile, nucléaire etc.) qu’un véhicule diesel », résume Guillaume Pitron en citant un rapport de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie.

Selon lui, ce « mirage » de la transition énergétique et numérique « nous détourne de la vraie révolution que nous devrions entreprendre, celle de nos modes de consommation, de nos comportements, de notre philosophie ». Et par exemple, comme le suggère Jeremy Rifkin, passer d’un monde de la propriété à un monde de l’accès et du partage.

Jacques Munier le journal des idées France Culture

 

Tribune libre de Dominique Macabeth

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