La loi Elan a discrètement supprimé la protection face aux antennes-relais

L’article 62 de la loi Élan, adoptée mardi, met fin à des dispositifs de la loi Abeille qui permettaient un contrôle de l’implantation des antennes relais. L’autrice de cette tribune, à l’origine de la loi de 2015, explique comment la « Macronie » a sacrifié l’intérêt général aux intérêts particuliers.

Laurence Abeille a été députée écologiste du Val-de-Marne lors de la mandature 2012-2017. Elle est à l’origine de la proposition de loi « relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques » adoptée en janvier 2015 et qui porte son nom.

Laurence Abeille.

L’Assemblée nationale a adopté la loi Élan [Évolution du logement et aménagement numérique] ce mardi 12 juin 2018. Avez-vous remarqué qu’à l’article 62 de cette loi, consacrée essentiellement au logement, quelques lignes concernaient les installations d’antennes relais de téléphonie mobile ? Ces quelques lignes signent la fin du dispositif prévu dans la loi dont je suis l’auteur, en supprimant le délai de deux mois qui permettait l’information et la concertation autour des implantations d’antennes. [1]

Cet article 62 est ce qu’on appelle un « cavalier législatif », c’est-à-dire qu’il n’a rien à voir avec le reste de la loi, consacrée aux questions de logement. On peut penser que c’est sous la pression du lobby des opérateurs de téléphonie mobile que cet article a été ajouté.

Petit rappel des faits. C’était en janvier 2015. Après plus de deux ans de travail, de débats, d’avancées et de reculs, la proposition de loi « relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques » dont je suis l’auteur, était adoptée. Ce fut une belle victoire, fruit d’un consensus qui avait été compliqué à trouver tant le lobby des opérateurs de téléphonie mobile était actif auprès du gouvernement et des parlementaires.

Cette loi est pourtant de bon sens. Elle prévoit des dispositifs d’information et de concertation en lien avec les élus locaux pour l’implantation ou la modification des antennes relais. Des délais sont précisés, qui permettent de diffuser les informations et d’organiser les concertations nécessaires.

Tout cela avait pour but de redonner aux élus locaux des moyens d’action face aux opérateurs, de permettre la bonne information du public et, le cas échéant, la concertation. C’était un minimum nécessaire !

Dans les débats parlementaires et dans les médias, j’ai, à de nombreuses reprises, rappelé les inquiétudes des scientifiques sur la nocivité des ondes électromagnétiques, la nécessité d’appliquer le principe de précaution, de travailler avec les associations, de protéger les personnes électro-hypersensibles. Le gouvernement avait d’ailleurs commandé en 2013 un rapport qui avait conclu à la nécessité de modérer l’exposition aux ondes.

C’est en ville que les délais qu’imposait ma loi gênaient vraiment les opérateurs

Il ne faut pas oublier qu’en 2011, le Circ (le Centre international de recherche sur le cancer, de l’Organisation mondiale de la santé) a classé les champs électromagnétiques de radiofréquences cancérogènes possibles pour l’être humain. Et plus récemment, l’Anses (Agence française de sécurité sanitaire) a estimé que des travaux supplémentaires devraient être entrepris sur la question de l’hypersensibilité aux radiofréquences.

Pourquoi le lobby voulait-il tant cet article 62 de la loi Élan ?

Les dispositifs de la loi « Abeille » sur les implantations d’antennes n’avaient rien de très contraignant pour les opérateurs. Ceux-ci n’ont pourtant jamais désarmé pour les supprimer, prétendant qu’ils alourdissaient leur mission de couverture du territoire. C’est assez savoureux lorsqu’on connaît la réalité des pratiques des opérateurs… qui cherchent essentiellement à obtenir les meilleurs emplacements dans les zones très peuplées, pour une rentabilité maximum. Quiconque connaît la situation de la téléphonie mobile dès qu’on s’éloigne des centres urbains comprend ce que je veux dire. Là, personne ne cherche à implanter d’antennes…

En ville, en revanche, c’est très différent et la population se trouve plutôt inondée d’ondes. Et c’est en ville que l’on comprend la motivation des opérateurs pour agir « vite », car les habitants, qui s’inquiètent pour leur santé et celle des enfants, constituent des collectifs pour leur barrer la route, exiger une concertation, des mesures d’exposition aux champs électromagnétiques. C’est là que les délais qu’imposait ma loi gênaient vraiment les opérateurs, qui ne veulent pas entendre parler de dialogue, et juste gagner le plus de parts de marchés possible !

Derrière tout ça, une idéologie ultralibérale…

Avec cet article 62, le gouvernement a donc sacrifié un dispositif protecteur au profit des opérateurs qui, comme je l’ai indiqué, ne respectent pas leurs engagements vis-à-vis de l’État. Car la doctrine de la « Macronie » est de « faire confiance aux professionnels », donc tout le contraire de ce que doit être l’action politique, au service des plus fragiles et dans la défense de l’intérêt général.

Ce sont bien les intérêts particuliers qui sont défendus dans ce gouvernement, qui invente des principes comme le « principe de réalité », se gargarise de « pragmatisme » pour, en fait, favoriser les entreprises au détriment des populations. Tout cela est bien sûr sous-tendu par une idéologie, celle de l’ultralibéralisme. Celles et ceux qui ont choisi de faire confiance à Emmanuel Macron parce qu’ils le croyaient « différent » doivent vraiment aujourd’hui ouvrir les yeux et regarder en face les politiques mises en œuvre.

Alors, la loi Abeille est en partie détruite, comme le souhaitaient les opérateurs. Mais la lutte contre la pollution électromagnétique et les pratiques des opérateurs doit se poursuivre, aux côtés des associations comme Robin des toits, Priartem, Générations futures et bien d’autres.

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