Crue centennale ou climatique? la sequana 2016 du virtuel au réel.

Le samedi 12 mars 2016 de 8h à 14h était organisé à Valenton dans le cadre du projet EU Sequana 2016 une simulation de crue centennale avec évacuation d’une maison de retraite et d’îlots par moyens héliportés et embarcations, recherches de personnes disparues au moyen d’équipes cynotechniques, Installation d’une unité de traitement de l’eau et d’un camp et d’un Poste Médical Avancé. Six autres sites franciliens étaient ouverts pour des exercices similaires.

 

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Pour illustrer cette simulation une carte était diffusée par la préfecture de police. En gros plan, la zone Nord Est de Paris, incluant le territoire de Marne et Bois, appelé aussi T10 et dont fait partie désormais Fontenay sous bois.
On y remarque que ce territoire est traversé et borné par le grand S de la sinuosité de la Marne, et que des villes comme Alfortville et Saint Maur y apparaissent comme les plus vulnérables.

Sur le territoire voisin Villeneuve Saint Georges : http://94.citoyens.com/…/inondations-le-point-sur-la-situat…

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Chacun ayant en souvenir que la crue dite « centennale » de 1910 avait paralysé Paris pendant plusieurs semaines : les caves, les égouts étaient inondés, on jetait les ordures dans la Seine pour les évacuer dans la Manche et pour les transports c’était la « bérézina » : quasiment plus de métro, de bus, de voiture ou de calèche ! On a tous en tête ces images des députés qui entraient en barque à l’Assemblée Nationale …éclairés à la bougie !
Aujourd’hui, malgré les bassins de retenue et les gros moyens mis en œuvre, les conséquences d’une telle crue étaient considérés comme pouvant être pire, l’agglomération parisienne comptant aujourd’hui 12 millions de personnes, mais surtout bien plus de berges bétonnées, réduisant ainsi le lit de la Seine. On s’inquiétait d’avoir construit en dépit du bon sens, en empêchant l’écoulement des eaux.
400.000 logements par exemple ont été construits en zone inondable en Ile de France: supposant l’évacuation de 800.000 personnes avec des hélicoptères, des centaines de bateaux pneumatiques ou autres, qu’il faut faire venir de partout.

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Il fallait y voir l’aboutissement du projet de vigilance météorologique lancé en 2001. En 2004, à la suite de la canicule de 2003, les vigilances « Canicule » et « Grand froid » sont ajoutées au système en place.
En décembre 2007, la vigilance « Fortes précipitations » est renommée en « Pluie-inondation » dans le but d’intégrer la vigilance liée aux crues mise en place à l’origine par Vigicrues®.
En novembre 2011, à la suite des submersions meurtrières des côtes charentaises et vendéennes par Xynthia le 28 février 2010, Météo-France, en partenariat avec le service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM) intègre à la vigilance les phénomènes côtiers, avec la vigilance « Vagues-submersion », liés notamment à la forte houle et la surcote causée par les ondes de tempête parfois combinées aux forts coefficients de marée. A la même date, un pictogramme « Inondation » est ajouté dans les phénomènes suivis : il intègre les seules données de Vigicrues par une correspondance géographique entre un tronçon de cours d’eau et le(s) département(s) touché(s).

Aujourd’hui la vigilance météorologique vise à attirer l’attention sur les neuf phénomènes suivants : Vent violent, Pluie-inondation, Inondation-Orages,Neige-verglas,Avalanches, Canicule, Grand froid,Vagues-submersion. Autant de phénomènes qui années après années prennent de l’ampleur.

Ce rappel historique nous permettant de constater que ce n’est donc pas formellement le retour d’une crue de type 1910 qui était redoutée, mais plus une crue de type nouveau.

Pourquoi de type nouveau ? Voici les principales crues séquaniennes depuis 120 ans : En janvier 1910, les eaux montent jusqu’aux épaules du zouave du pont d’Alma, une hauteur de 8,62 mètres. C’est le record absolu pour une crue de la Seine à Paris depuis que les mesures sont effectuées. En 1658, cependant, une autre crue aurait atteint 8,95m. L’expression crue centennale est donc utilisée pour la définir.

En Janvier 1924 la Seine atteint 7,32 m. En Janvier 1955 la hauteur observée à l’échelle d’Austerlitz est de 7,12 mètres. En Janvier 1982 le hauteur observée à la station d’Austerlitz avec la technologie des ultra-sons : 6,18 m. On évite prudemment de parler de crue centenaire, vu que l’intervalle temps ne s’y prête guère.

N’empêche, quelques experts mieux informés que les autres en janvier 2016, en viennent à penser que la crue ne se produira pas cette fois en janvier mais selon un autre timing.

On s’exerce en mars car on craint une crue prochaine. Avec la crue du 1er juin 2016 il va enfin peut-être être possible de comprendre pourquoi il pleut plus et plus souvent à cause du réchauffement climatique. Le curseur s’arrêtant à 6,10 mètres 4 jours plus tard.

Ce matin du 1er juin 2016, le Loiret s’est réveillé les pieds dans l’eau. Le Loing, affluent de la Seine enregistre alors sa plus grande crue depuis 1910 ; Une crue « centennale » ? Chacun hésite à la définir comme telle. Car pas aux normes temporelles des crues précédentes.

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Un débat démarre : cette crue est-elle une simple anomalie météo ponctuelle, ou y’a-t-il des causes plus profondes ? Quelques curieux envisagent qu’il pourrait s’agir d’une crue climatique et se mettent à analyser les liens entre la crue de 2016 et le changement climatique

Autant le rappeler à ce stade : Les spécialistes du climat et des phénomènes météorologiques ont compris depuis plusieurs années les liens qui unissent le cycle de l’eau et le changement climatique. Spontanément, lorsqu’on pense à un monde qui se réchauffe, on pense à un monde plus sec, plus désertique. Tout brûle plus facilement et les feux prennent des proportions inédites.

D’ailleurs, lorsque les journaux parlent de changement climatique, ils illustrent souvent leurs articles par des images de sols desséchés et arides , pas avec celles des incendies des forêts boréales en zone de sable bitumineux (Russie et Canada).

Mais beaucoup oublient de dire que les phénomènes inverses sont aussi une conséquence du réchauffement climatique ou du moins de son dérèglement (le mot le plus approprié).

Un monde plus chaud c’est d’abord un monde plus humide. Pour le résumer de façon simple, voici comment le phénomène fonctionne d’après l’Environmental Protection Agency américaine.

La terre est couverte de 70% d’eau. Lorsque les températures augmentent, cette eau s’évapore plus. Mais cette eau ne disparaît pas, elle continue à exister sous forme de vapeur d’eau dans l’atmosphère. Et au bout d’un moment, cette vapeur d’eau finit fatalement par retomber, notamment sous forme de pluie.

Les conditions pour des précipitations importantes étaient toutes réunies ce printemps. L’Administration Nationale Océanique et Atmosphérique américaine (NOAA) qui publie des rapports mensuels sur les températures mondiales, notait depuis décembre que l’Europe du Nord-Ouest connaissait ses périodes les plus chaudes depuis des décennies.

Le mois de Décembre était le plus chaud depuis 1900, le mois de Février également, et le mois d’Avril le 4ème mois d’Avril le plus chaud depuis 1910. Sur l’ensemble de la planète, ce début d’année a été le plus chaud de l’histoire, avec des températures de 1.5 degrés supérieures à la moyenne pré-industrielle.
Notamment, la NOAA a constaté durant ce début d’année la successions de températures records dans certaines parties de l’Atlantique Nord et autour du Groenland. L’évaporation accrue dans ces zones a pu contribuer à la constitution de masses d’air très humides qui se sont ensuite déplacées sur l’Europe du Nord.

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En conséquence, l’agence notait également que la zone Europe du Nord-Ouest vivait aussi ses périodes les plus humides, avec une hausse significative des précipitations. Ainsi la Finlande ou le Danemark ont vécu ce printemps leurs périodes les plus humides depuis un siècle.

La France a également vécu des précipitations beaucoup plus fortes que d’ordinaire. Météo-France notait en avril un cumul de précipitations entre 1.5 et 2 fois supérieur aux normes de saison sur l’ensemble de la diagonale sud-ouest / nord-est. Or c’est précisément dans la zone centre/nord-est que s’alimentent les affluents de la Seine comme le Loing.

Avec cette augmentation des précipitations, ce sont naturellement les fleuves qui sont montés. Et les épisodes de pluie des derniers jours de mai ont servi d’élément déclencheur à un phénomène qui s’annonçait depuis décembre, lentement mais sûrement.

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La crue que l’on observe aujourd’hui dans le Loiret pourrait donc être le symptôme d’un changement plus profond au niveau climatique et météorologique en France. En effet, ce type événements devrait devenir de plus en plus fréquent statistiquement, au fur et à mesure que les températures vont continuer à monter. C’est d’autant plus vraisemblable qu’en France, l’impact du changement climatique sur les températures est en moyenne plus fort qu’ailleurs. D’après un rapport de l’Observatoire National des Effets du Réchauffement Climatique, les températures en Europe du Nord, et donc en France durant le 20ème siècle ont subi une augmentation 30% plus élevée que sur le reste du globe en moyenne.

Cela signifie que les températures augmentent très vite (de l’ordre de 0.20 à 0.35 degrés par décennie en moyenne depuis 100 ans) et donc que l’évaporation océanique notamment est forte. Mais le problème est également significatif dans les massifs montagneux, où l’on a constaté entre 1900 et 2004 une augmentation moyenne des températures de 0.14 degrés par décennie. Or c’est aussi en montagne, via la fonte des glaciers et des neiges d’altitude que s’alimentent les fleuves.

Logiquement, les épisodes de crues et d’inondations devraient donc se multiplier dans les prochaines décennies. Parlera –t-on de crues décennales, avant de parler de crues récurrentes et normales. Tout sera une question d’accoutumance à ses phénomènes qui, de rares, risquent de passer à des phénomènes d’une grande banalité.

Sous la pression conjuguée de la fonte des neiges/glaces et de l’évaporation et de l’humidification des masses d’air. On observe d’ailleurs déjà le phénomène dans le Sud-Est de la France avec les fameux épisodes cévenols.

Ces inondations qui affectent régulièrement les Cévennes dans le Sud de la France sont dues au déplacement des masses d’air chaudes et humides liées à l’évaporation au dessus de la mer Méditerranée vers les zones plus froides du Massif Central autour du Mont Lozère. À cause du réchauffement des températures moyennes, ces épisodes météorologiques sont de plus en plus forts et de plus en plus fréquents, car l’évaporation en mer est plus importante.

Ainsi, dans un rapport daté de 2015, on observait depuis 1950 une augmentation de 30% de la quantité de précipitations dans la zone, et une multiplication par 3 de la fréquence des pluies cévenoles extrêmes.

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Au final, il est probable que les épisodes de crues et d’inondations que l’on observe actuellement soient en partie déclenchés par des événements liés au réchauffement climatique. Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, réchauffement climatique peut donc rimer avec plus de pluie et plus d’humidité. Bien sûr, ce n’est pas vrai partout, et on observe au contraire une diminution des précipitations sur l’Ouest du pays.

Mais la crue du Loiret est une bonne illustration de ce que signifie, à moyen terme, l’accélération du réchauffement climatique dans la vie quotidienne des français. Cela montre qu’il est plus que temps de prendre des mesures drastiques pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, car non, le réchauffement climatique n’est pas un problème « lointain » et sans importance. Il a des conséquences graves, aujourd’hui, et ici.

http://www.liberation.fr/…/crue-centennale-sauve-qui-pleut_…

Dominique Macabeth (EELV Fontenay)

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